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For the purpose of promoting overseas research in Korean studies, the Korea Foundation offers program support for the Fellowship for Field Research to provide eminent overseas Korean studies scholars and experts in relevant fields with the opportunity to conduct onsite field research in Korea and access relevant resource materials. 

Fellowship Period

The field research period should take place between January 1 and December 31, 2019.

Duration: 1 month (minimum) to 12 months (maximum)

※ The length of the fellowship period is to be determined by the applicant.

However, it may be adjusted according to the review by the KF reviewing committee.

The start date of the fellowship period should be no later than November 30, 2019.

Program Schedule

Application Period: July 12 to August 31, 2018

Notification of Results: December 2018

※      Notification date is subject to change without prior notice

Pour plus d’informations, voir le site du KF Application Portal.

Since 1993, the Korea Foundation has offered an annual fellowship program for Korean language training for the general promotion and dissemination of the Korean language, which is the basis of promoting Korean studies and Korea-related activities overseas. In accordance with the guidelines listed below, the Foundation is currently accepting applications for its 2019 KLT program.

Program Outline

The KF Fellowship for Korean Language Training (KLT) program provides an opportunity for graduate students of Korean studies, Korean studies researchers and those working in Korea-related fields overseas to learn Korean in an intensive immersion program at a university in Korea for at least six months.

Eligible Applicants

Those who are majoring in Korean studies (humanities, social sciences, and culture/arts), currently involved in Korea-related research, or working in a Korea-related field who correspond to one of the following profiles may apply for the KLT program. All those who apply must be able to understand and speak at least basic-level Korean.

Program Schedule

1. Application Period: July 12, 2018 12:00 p.m. to August 31, 2018 12:00 p.m. (in Korean time)

2. Notification of Results: December 2018

  Notification date is subject to change without prior notice.

       The result will be provided to individual applicant via e-mail.

3. The Fellowship period starts in the spring term (March to August) or fall term (September to February) of the following year. Applicants may select their preferred term.

Pour plus d’informations, voir le site du KF Application Portal.

Le jeudi 12 avril 2018 se tenait à l’université Bordeaux Montaigne la conférence « Les ambivalences d’un jeune Coréen : Ch’oe Namsŏn et le Japon colonial » prononcée par Alain Delissen, directeur d’études à l’EHESS. Pendant une heure et demie, le directeur du Centre de Recherches sur la Corée (EHESS) et de l’Institut d’Études Coréennes du Collège de France est revenu sur la vie et l’œuvre de ce personnage ambivalent ainsi que sur les représentations de la coréanité qu’il a construites en situation coloniale.

Cette conférence s’inscrivait dans le mouvement de dynamisation de la section d’études coréennes de Bordeaux Montaigne et d’ouverture prochaine (septembre 2018) d’une licence LEA Anglais-Coréen.

 

Spécialiste de la période coloniale japonaise en Corée (1905-1945), Alain Delissen a d’abord exposé ce qui constituait ses deux principaux axes de recherche.

Un premier se concentre sur les aspects sociaux  (morphologie et interactions) entre la Corée colonisée et le Japon colonisateur en y explorant aussi les circulations intellectuelles, historiographiques et culturelles. Cette enquête vise à situer, par delà les mythes nationalistes, le rôle de l’épisode colonial dans la formation du « monde coréen » actuel, divisé et disséminé. Y renvoie une interrogation fondamentale sur la généalogie de la « guerre civile » coréenne.

Un deuxième axe qui conduit au monde coréen contemporain s’intéresse à la manière dont la coréanité se construit dans son rapport au passé. S’y rattachent des discours et des formes qui ne se limitent pas à l’historiographie savante ou universitaire. L’approche menée en termes d’histoire culturelle s’attache a penser la longue durée de la modernité coréenne depuis le 19éme siècle, mais aussi ses divers lieux (Le Sud, le Nord, la diaspora) et ses variations dans le temps.

Alain Delissen a rappelé à cette occasion que le phénomène nouveau de passion pour la Corée qu’on nomme « vague coréenne » ou Hallyu était un outil puissant de la politique internationale de la République de Corée actuelle, mais que cette action elle-même renvoyait à une volonté plus ancienne, née dans le cadre national à la fin du 19éme siècle, visant à ce que la Corée « fasse sens » dans le monde et pour le monde et y rayonne au rang de « grande civilisation ».

Yuktang Ch’oe Namsŏn 육당 최남선 1890-1957

Écrivain, poète, historien, géographe, penseur des choses, tant spirituelles que matérielles, de la Corée, éditeur et figure fondatrice de la coréanologie, Ch’oe Namsŏn (nom de plume Yuktang) a laissé une oeuvre considérable par sa taille et son influence. Issu d’une riche famille de chungin, – ordre social situé au cœur du processus de modernisation et qui comptait notamment les « techniciens de l’État qui avaient réussi au « concours variés » (chapkwa) peintres, interprètes, géomanciens et médecins…– Ch’oe Namsŏn traverse le tragique xxe siècle coréen et témoigne de la colonisation, de la division des Corées et de la guerre civile.

Le personnage est assurément complexe. On connaît ses jeunes années de résistance face au Japon ; on le sait auteur de la célèbre Déclaration d’indépendance de 1919 (qu’il ne signe pas…) ; on le retrouve au premières loges d’une archéologie profonde de la coréanité (il est essentiel dans l’arrimage de Tan’gun au nationalisme coréen). Par ailleurs il accepte, à partir de 1928, de travailler pour l’administration coloniale japonaise (comme historiographe) avant de devenir pendant la guerre professeur d’université au Mandchoukouo. Pendant toute la durée de la colonisation, il continue cependant à porter son nom coréen et à s’afficher en hanbok. Voilà qui complexifie la lecture d’un personnage auquel est immédiatement associé, aujourd’hui en Corée du Sud, le vocable et le stigmate de ch’inilp’a : collaborateur. Il sera pour cela jugé en 1947…

Dans le cadre limité d’une brève conférence, une œuvre aussi ample et un parcours aussi complexe nécessitent un angle d’étude. C’est une date qu’a choisie Alain Delissen : 1908.

Que se passe-t-il pour Ch’oe Namsŏn en 1908 ?

En 1908, Ch’oe Namsŏn publie en vers libre le premier poème tenu « moderne » « De la mer au jeune homme » dans sa revue Sonyôn.

Illustration 1. Extrait de « De la mer au jeune homme »

Traduction :

ch’ô……I ssôk, ch’ô……I ssôk, chôk,
sswa……a
je cogne, je casse, je fracasse
montagnes aussi hautes que Taesan ;
rochers pareils à des maisons
c’est quoi ça, c’est quoi
ma force immense tu la connais
ou tu ne la connais pas; en hurlant
je cogne, je casse, je fracasse

 

Que se passe-t-il pour la Corée en 1908 ?

Alain Delissen a rappelé la nécessité de tenir à distance certaine coupure européenne pour écrire le récit du xxe siècle (en bref, la Première Guerre mondiale) lorsqu’on se déplace en contexte asiatique. En effet, une meilleure date fondatrice du xxe siècle en Corée du sud sera certainement le 1er mars 1919 : date de la Déclaration d’indépendance, rédigée mais non signée par Ch’oe Namsŏn. La Corée du Nord, en choisira plus volontiers une autre basée sur la naissance de Kim Il Sung (soit 1912).

Pour comprendre la situation de la Corée en 1908, il faut remonter à 1904 et à la guerre russo-japonaise. La défaite de la Russie en 1905 marque un tournant considérable pour la Corée, pour l’Asie et, plus généralement, dans l’ensemble du monde colonisé ; pour la première fois, l’Occident n’est plus invincible. Le Japon fournit un modèle de modernisation et d’émancipation : un exemple à suivre. Au Vietnam par exemple, on imprime et distribue des portraits des généraux japonais victorieux, initiative vite arrêtée par la police coloniale française.

Dans la foulée des traités internationaux de 1905 qui mettent fin au conflit, la Corée est contrainte d’accepter le protectorat japonais, qui la prive d’attributs essentiels de la souveraineté. Ses relations internationales ainsi que la défense de son territoire sont alors transférés au Japon en même temps que la péninsule est placée sous le contrôle d’un résident général.

En 1907, le roi Kojong tente en vain de faire reconnaître sa pleine souveraineté sur la Corée à la première conférence de La Haye. En conséquence de quoi, il est forcé d’abdiquer en juillet de la même année en faveur de son fils Sunjong.

1908 est donc une année de mobilisation et de résistance (guerilla dans les campagnes, campagnes de presse, activisme culturel, actions diplomatiques parallèles) où se pose une seule question « Que faire pour ne pas disparaitre ? ». Baroud d’honneur, tout n’est pas joué. On ne sait pas en 1908 que la Corée sera intégralement annexée en 1910.

Que fait le jeune Ch’oe Namsŏn autour de 1908 ?

Ch’oe Namsŏn étudie au Japon : une première fois très brièvement en 1904 envoyé là par Kojong, puis une deuxième fois en 1905, à l’université Waseda, d’où il est renvoyé, après incarcération, pour sa participation à une manifestation. Le choix de son domaine d’étude, la géographie, n’a rien d’un hasard. Il est en effet issu d’une longue tradition familiale de géomanciens et son intérêt pour les lieux et pour l’ancrage territorial des faits historiques se retrouve dans toute son œuvre.

Pendant toute cette période de formation au tournant du siècle, Yuktang en profite pour absorber d’une même faim de savoir toute la connaissance du monde, tous les nouveaux savoirs et pour, ce faisant, redécouvrir et refonder sa propre culture en réinventant à la lumière de nouvelles méthodes (histoire des religions, mythologie comparée, linguistique historique) de l’histoire de la Corée.

Ayant rapporté du Japon une presse rotative, il devient éditeur. De 1908 à 1911, il publie ainsi la revue Sonyŏn (Jeunesse). Il introduit en Corée des pratiques et des formes culturelles neuves (la revue) en même temps qu’il invente un public : la jeunesse à éduquer ; la jeunesse comme acteur politique par le savoir (de soi et du monde). Le premier numéro contient ainsi le fameux poème « De la mer au jeune homme », sensé inaugurer la poésie moderne coréenne. Mais il contient aussi beaucoup d’autres choses. Alain Delissen en décrit les ambitions portées par la préface et défile la table des matières. Outre un article, lui aussi célèbre pour ses enjeux et résonances sur la cartographie et la « logo-isation » du territoire péninsulaire, il y décrypte aussi une manière de penser les forces du monde dans un message qui demeure plus implicite qu’explicite : nul appel ici – ni dans les numéros qui suivront – à prendre les armes contre le Japon. La force domine le monde. Le Japon qui la possède, la possède de s’être mis au savoir du monde et aux nouveaux savoirs du monde. Il faut donc que la Corée s’y mette à une date, 1908, où l’on ne parle pas encore, comme dans les années 1920, de « résistance culturaliste » à la colonisation japonaise.

Illustration 2: Sonyŏn 1er numéro : Cartographie et représentation. En haut la vision Japonaise de la Corée (Un lapin apeuré face à la Chine). En bas la vision de Ch’oe Namsŏn (Un tigre prêt à bondir)

Ayant affaire à un public qui commence l’apprentissage de la langue coréenne, Alain Delissen ajoute une remarque incidente :  en ce début du xxe siècle, la langue coréenne s’invente (ou plutôt se réinvente) « écrite ». Elle est, sur le plan du lexique comme sur celui plus profond de la syntaxe (sans compter celui de la graphie et de l’orthographe), en pleine transformation : encore largement instable. Pour les lecteurs modernes du coréen, elle pose tant de difficultés que les éditeurs actuels des textes de Yuktang optent pour une traduction !

Alain Delissen évoque enfin l’autre versant du travail de Ch’oe Namsŏn dans ces années-là (et celles qui suivront). Ch’oe qui se forme « sur le tas » au métier d’historien s’emploie, en parallèle à son travail « moderne » à redécouvrir, éditer, compiler en bref à « inventer » les classiques coréens tels que le Samguk yusa. Il fait remarquer que ces textes étaient peu connus – et certainement pas canoniques ! – à l’époque Chosŏn et qu’il revient à Ch’oe Namsŏn – avec d’autres évidemment – de les avoir inscrits au cœur de l’identité et de l’histoire coréenne : ainsi, tout au long de sa vie, ses nombreux travaux sur Tan’gun). Ce travail ne se limite pas à la seule recherche historique conventionnelle mais embrasse, avec plus ou moins de rigueur et de compétence, tous les savoirs de l’époque. De même la littérature et la poésie, sont elles mobilisées à la fois comme matériaux historiques et comme formes poétiques recréées (le sijo par exemple) pour nourrir un imaginaire collectif coréen, en bref pour donner naissance à tout l’abondan répertoire des lieux, figures et symboles de la Nation coréenne moderne. Au cœur de cette immense entreprise : l’obsession bibliophilique  et la constitution d’une immense – légendaire – bibliothèque personnelle (plus de 100 000 titres dont des incunables), détruite par un bombardement américain pendant la guerre de Corée.

Comment comprendre alors sa collaboration avec le gouvernement colonial à partir de 1928 ?

Bien que tentant de restituer ce qu’est le projet de Ch’oe Namsŏn en 1908, Alain Delissen doit conclure en rappelant la grande problématique qui marque à la fois les études consacrées à Yuktang et sa perception aujourd’hui en Corée du Sud. Le court-circuit est simple : comment un grand activiste de la coréanité devient-il vers la fin de sa vie un serviteur zêlé du Japon impérial en guerre et un parangon de collaborateur ? Il rappelle quelques éléments de la trajectoire qui suit.

En 1928 Ch’oe Namsŏn devient fonctionnaire du gouvernement colonial, travaillant au Comité colonial de compilation de l’histoire (Chōsenshi Henshukai). En 1938, il est nommé professeur d’université en Mandchourie et participe à l’appareil de propagande japonais.

Enfin en 1949, il échappe de peu au jugement pour collaboration du fait de la guerre civile. Alain Delissen fait alors remarquer que 1945-1947 est une période particulièrement intéressante de la vie de Ch’oe Namsŏn puisqu’il s’emploie à réécrire, dans la perspective de la Corée libérée mais déjà divisée,  nombre de ses œuvres des années 1930.

Doit-on faire l’hypothèse d’une évolution progrès au gré des circonstances (celles de l’environnement politique colonial, mais tout autant les aléas moins connus de la vie privée ) ? Ou bien est-il préférable de tenir les ambiguités de Ch’oe Namsŏn comme constitutives et, d’une manière, inscrites et déjà là dès ses premiers travaux ? Faut-il nécessairement choisir entre ces deux hypothèses de travail ?

Alain Delissen avance au moins, pour conclure sur un sujet très complexe et qui réclame beaucoup de temps, que le nationalisme de Ch’oe Namsŏn lui paraît enchâssé dans une sorte d’auto-orientalisme (mieux : d’auto-asiatisme). S’il est fier (et avant tout) d’être Coréen et qu’il pense œuvrer pour la Corée et la coréanité, il est fier aussi d’être asiatique : son travail s’inscrit dans une expérience historique partagée (l’humiliation de grandes civilisations ayant subi l’agression des puissances coloniales occidentales). Dans une sorte de fuite en avant régressive vers les origines lointaines, pré-historiques des civilisations, la suite de son œuvre ambitionne d’un double mouvement de poser une grandeur asiatique et, surtout, de placer la Corée au cœur et même aux sources de cette grandeur (civilisation de Purham autour de Tan’gun).

Dans cette régression vers l’originaire, il s’affranchit de deux choses : pendant ce temps-là, le Japon impérialiste mène la danse et fait souffrir l’Asie ; pendant ce temps Ch’oe Namsŏn, qui pose au cheval de Troie ou à la Cinquième colonne, vit bien dans la Corée coloniale.

On peut comprendre que cet héritage soit ambigu. On peut regretter qu’il conduise à laisser dans l’ombre et le tabou interdit un savant dont les travaux ont nourri (et nourrissent en sous main) les discours identitaires de la coréanité.

À la jonction des études coréennes et japonaises, les études sur Ch’oe Namsŏn offrent un chantier prometteur pour qui souhaite mieux comprendre la généalogie de la coréanité en situation coloniale et même : de la japonité en situation impériale.

 

L’équipe du RESCOR en collaboration avec Thomas Gautier (Etudiant à l’Université Bordeaux Montaigne)

Le Réseau des Études sur la Corée a le plaisir de publier l’interview avec Sem Vermeersch, enseignant chercheur au département d’Études religieuses à l’université nationale de Séoul et rédacteur au journal Seoul Journal of Korean Studies, prise le 17 septembre 2017.

© Le Réseau des Études sur la Corée & l’université Paris Diderot

La deuxième édition de la rencontre des pré-modernistes européens s’est tenu les 28 et 29 mai au New Europe College de Bucarest en Roumanie. Elle a été organisée par Diana Yuksel, spécialiste d’histoire intellectuelle de Chosŏn, maîtresse de conférences à l’université de Bucarest. Le New Europe College, auquel elle avait été rattachée par le passé, a généreusement mis à disposition ses locaux pour cette manifestation et l’université de Bucarest a offert les repas. Le reste des frais était à la charge des participants. Faisant suite au congrès de Paris organisé par Isabelle Sancho (CNRS-EHESS) en janvier 2016 au Centre de recherches sur la Corée (CRC) à la Maison de l’Asie grâce au soutien de l’Academy of Korean Studies (AKS), du Collège de France et du CRC, il a permis d’expérimenter pour la première fois une rencontre organisée sans financement institutionnel extérieur. Il a réuni à nouveau les membres du réseau constitué à Paris, auquel ont été invités quelques collègues venus de Finlande, d’Allemagne, de Bulgarie et de Russie, ainsi que des doctorants et jeunes docteurs européens de France, de République tchèque et de Grande Bretagne. Kim Sunjoo de l’université Harvard a été de nouveau invitée comme observateur extérieur.

Le Directoire : Isabelle Sancho (CNRS-EHESS), Diana Yuksel (université de Bucarest), Vladimir Glomb (université Charles de Prague), KIM Daeyeol (INALCO)

Ces rencontres, qui ont vocation à être organisées tous les deux ans, en alternance avec les congrès de l’Association for Korean Studies in Europe (AKSE), suivent trois principes généraux. Le premier est de permettre aux spécialistes européens de la Corée pré-moderne de se réunir dans un format à la fois souple et innovant : pas d’appel à contributions, pas de résumés, pas d’actes de colloques, possibilité de faire des présentations individuelles de travaux originaux ou de projets en cours d’élaboration, de livres et traductions publiés ou en cours de rédaction, ou encore d’organiser des tables rondes ou des sessions collectives sur un sujet précis, prises de décision collectives, discussion finale sur les objectifs du réseau. Le second principe est de maintenir une organisation fondée sur le volontariat, le collectif et un financement sans recours à des subventions institutionnelles. Le troisième est de faire vivre un réseau qui se veut à la fois ouvert et fermé : la liste des participants est pré-définie mais des collaborateurs supplémentaires sont susceptibles d’être invités à l’avenir. En effet l’objectif de ces rencontres régulières n’est pas de créer un congrès académique supplémentaire d’études coréennes où les participants présenteraient des panels mais de préparer concrètement des projets de publication collective à l’échelle européenne. Il s’agit de développer les études sur la Corée pré-moderne en Europe, en proposant des productions académiques réalisables rapidement à moyen terme, utiles pour l’enseignement et le recherche et enfin visibles pour les diverses institutions d’études coréennes en Europe et dans le monde. La rencontre de cette année a permis de préciser les attendus pour la prochaine édition qui aura lieu à Prague en 2020. Une table ronde sur l’enseignement du hanmun sera proposée et des présentations d’ouvrages publiés par les membres devraient avoir lieu (projet collectif en cours de rédaction sur Kim Sisŭp qui fait suite au colloque organisé à Prague en janvier 2018, publication chez Brill de Confucian academies in East Asia par l’équipe de Berlin, ouvrages individuels des membres en cours de rédaction). Les personnes chargées de l’organisation et de la vie du réseau sont Vladimir Glomb (Berlin), Isabelle Sancho et Kim Daeyeol (France) et Diana Yuksel (Roumanie). La présence et le rôle des spécialistes français restent essentiels à ce projet ambitieux et prometteur. Cette année, ont participé de France Yannick Bruneton (Paris Diderot), Kim Daeyeol (INALCO), Damien Peladan (Paris Diderot) et Isabelle Sancho (CNRS-EHESS).

Isabelle Sancho
Membre du Réseau des études sur la Corée
Chargée de recherches au CNRS

 

« Y a-t-il une coréanité ? Influences, réceptions et inventions de l’art coréen »

Sous le thème de « coréanité » dans l’art coréen, la deuxième journée d’études du département d’études coréennes réunit le vendredi 4 mai 2018 à l’Auditorium de l’Inalco les spécialistes francophones en histoire de l’art coréen ainsi que plus de deux cents étudiants non seulement de l’Inalco mais aussi d’autres institutions de la France intéressés par cet art. Les participants sont Pierre Cambon (musée Guimet), Stéphanie Brouillet (Mobilier national), Kim Daeyeol (Département d’études coréennes, INALCO), Francis Macouin (ancien conservateur au musée Guimet), Maël Bellec (musée Cernuschi), Hwang Ju-Yeon (EHESS) et Okyang Chae-Duporge (Département d’études coréennes, INALCO) ; Comité scientifique Francis Macouin et Marc Orange (ancien directeur de l’institut d’études coréennes du Collège de France) et les discutantes Mme Leggeri-Bauer Estelle (Département d’études japonaises, INALCO) et Mme Riboud Pénélope (Département d’études chinoises, INALCO).

A 9h30, la journée commence par une introduction de Mme Okyang CHAE-DUPORGE, enseignante en Histoire de l’Art coréen à l’Inalco et organisatrice de cet événement, qui rappelle que cette journée a été organisée dans le but d’avoir un échange constructif entre chercheurs francophones en histoire de l’art pour envisager la réalisation d’un outil pédagogique, un livre de l’histoire de l’art coréen en français. Elle remercie le Conseil scientifique de l’INALCO qui a validé ce projet et qui a accepté de le cofinancer avec le soutien de RESCOR.

Elle laisse ensuite la parole à M. Marc ORANGE, ancien directeur de l’institut d’études coréennes du Collège de France, pour un mot d’ouverture. Après un rappel de son parcours qui ne le destinait pas à une carrière de coréanologue (études de droit et chinois), il finit par étudier le coréen avec Charles HAGUENAUER sous la direction duquel il s’intéressera à la littérature classique coréenne du 17ème et 18ème siècle. A l’époque, il y a peu de spécialistes de l’art coréen, on lui propose donc de donner un cours sur l’Art coréen à l’université Paris IV-Sorbonne. Selon M. ORANGE, évoquant de rares travaux, ce domaine est quelque peu négligé par les chercheurs. Pendant toute sa présentation, M. ORANGE a mis en avant le lien entre la Chine et la Corée tant au niveau historique, géographique, philosophique, littéraire et artistique. Il conclut donc qu’il est judicieux de s’initier à la langue chinoise pour aborder l’art coréen.

Le premier intervenant de cette journée est M. Pierre Cambon, conservateur du musée Guimet. Son propos porte sur « Chonsu gwaneum posal, Avalokitesvara à mille bras, de la peinture au bronze doré, la version coréenne d’un thème chinois ». Pierre CAMBON pose le problème de la datation des œuvres de l’art bouddhique en offrant une comparaison des peintures chinoises de Dunhuang avec les deux seules statues d’Avalokitesvara à mille bras en bronze doré coréennes de Koryô (10e – 14e siècle) ; la première conservée au musée Leeum (Samsung Museum of Art) à Séoul et la seconde, rapportée par Charles VARAT en 1888, au Musée Guimet à Paris. Par l’analyse de l’iconographie, il essaie de montrer les processus de traduction et de transfert de la thématique du bouddhisme ésotérique entre la Chine et la Corée. Il explique que les deux statues présentent des traits typiques des dynasties Tang (début de l’époque Koryô) et Yuan (fin de l’époque Koryô) mais qu’il est assez difficile de déterminer avec précision et assurance la datation de chacune des œuvres. La statue de Paris se rapprocherait du style plus réaliste et ancien des Tang, la plaçant au début de la période Koryô. Quant à celle de Séoul, plus stylisée, elle daterait de la fin de la période Koryô, voire début du Chosôn. Il conclut son intervention en mettant en avant que, malgré la difficulté d’apporter une datation claire, l’apogée de l’art bouddhique à Koryô se situerait au 13e siècle, après les invasions mongoles. Si les œuvres subissent des influences Yuan, elles suivent une tradition héritée des Tang avant de poursuivre progressivement vers une « coréanisation », comprise comme spécificité locale, de l’iconographie.

La discutante, historienne de l’art chinois, Mme Pénélope RIBOUD, insiste sur l’intérêt de cette approche méthodologique de datation qui consiste à situer chronologiquement une œuvre par comparaison à d’autres œuvres, déjà datées, et traitant la même iconographie. Pierre CAMBON explique que s’il existe des artefacts et de la documentation pour la Chine et le Japon, la Corée est, quant à elle, une « page blanche » où ce genre de support de datation n’existe pas, ou ne nous est pas parvenu. Elle l’interroge ensuite sur l’existence d’autres voies de circulation que celles via la région de Dunhuang ; elle fait notamment référence au sud-ouest de la Chine où il y a des figures similaires à celles des statues présentées. Il mentionne l’utilisation des voies maritimes en plus des voies terrestres. Une autre question porte sur l’affiliation des statues à des cultes particuliers et identifiés. À cela, Pierre CAMBON répond que s’il y a des spécificités locales, le bouddhisme ésotérique s’inscrit dans une mouvance transnationale se traduisant par une persistance des thèmes et de l’iconographie avec des traitements spécifiés au niveau local. La géographie est un élément important de la datation. Dans la question de la coréanité, il ne faut pas être piégé par l’isolationnisme, d’où l’importance de replacer la Corée dans son contexte géographique au moment du travail de datation.

La seconde intervention de la matinée est assurée par Stéphanie BROUILLET, inspectrice des collections au Mobilier National et ancienne conservatrice en charge des collections extra-européennes au musée national de la céramique de Sèvre. Elle nous parle des « Buncheong, témoins de l’inventivité des potiers coréens ». En effet, si les céladons ont été produits un peu partout en Asie, les Buncheong, céladons poudrés, n’ont été produits que pendant les deux premiers siècles du Chosôn en Corée. D’abord destinés à la cour, qui y appose le sceau de l’administration, partie intégrante du décor final, ils sont peu à peu supplantés par les céramiques blanches plus proche des valeurs néo-confucéennes de Chosôn. Les potiers, alors affranchis de la rigueur de la cour, se permettent plus de fantaisies dans les formes et les décors, laissant cours à plus de spontanéité, de vivacité et d’humour grâce au développement de différentes techniques. Les motifs de poisson et de vagues sont inédits ailleurs. Les irrégularités, les défauts (coulure, emprunte de feuille…) deviennent des motifs à part entière. Après l’invasion nippone au 16ème siècle, ces céramiques connaissent un grand succès au Japon où ont été envoyés des potiers. La rusticité et la sobriété de certaines pièces sont particulièrement prisées des maîtres du thé japonais qui les utilisent lors des cérémonies. Cet art du Buncheong donne lieu au mouvement Mishima qui en imite le style. Parallèlement, en Corée, la production des Buncheong est interrompue à la fin du 16ème siècle et tombe dans l’oubli jusqu’à après la libération de la péninsule coréenne en 1945. Lors de fouilles, d’anciens fours sont découverts et certains artistes s’attachent à retrouver les techniques, devenues biens culturels intangibles. Les artistes sont alors chargés de transmettre leur savoir-faire. Des potiers contemporains sont élevés au rang de trésor nationaux vivants, témoignant ainsi de la modernité des Buncheong.

En mentionnant la découverte de quelques tessons incrustés retrouvés en Chine, Mme CHAE-DUPORGE s’interroge sur l’origine de la technique des céladons incrustée étant connu largement comme une invention coréenne.  Pour l’instant, il n’y a pas de plus amples informations sur le sujet mais elle affirme que c’était en Corée que cette technique a été largement diffusée. Elle s’interroge également sur le goût inhabituel des japonais au 15e et 16e siècle, d’habitude plutôt attirés par des objets plus élaborés et sophistiqués.  Qu’est-ce qui explique l’engouement des japonais pour des objets plus rustiques et spontanés comme le Buncheong ? La discutante japonologue, Estelle LEGGERI-BAUER, répond qu’un article récemment paru explique que le changement de goût serait la conséquence d’un changement de regard, notamment des maitres du thé. La dernière question interroge l’importance de l’héritage chinois et des fours du nord de la Chine pour les céladons coréens. L’intervenante précise que même si les échanges de techniques entre potiers sont certainement passés par les fours du nord de la Chine, les Buncheong se sont développés au niveau local dans un climat difficile et instable au niveau politique et économique en Corée.

KIM Daeyeol, directeur du département d’études coréennes à l’INALCO, clôt la session du matin par le « portrait d’un amateur des objets à Séoul au 18ème », analysant une peinture de KIM Hong-Do avec un regard d’historien, et non d’historien d’art. Il utilise ce tableau pour montrer « l’esprit de l’époque » et l’attitude paradoxale d’une partie de la société de Chosôn : les gens du milieu. Le paradoxe évoqué ici décrit la frugalité des lettrés confucéens détachés de la mondanité par rapport à une certaine prodigalité et un attachement vis-à-vis des objets de collection. Dans la peinture de KIM Hong-Do montre un personnage, pieds nus, aux attributs de lettré sans poste (coiffe et vêtement), étonnamment entouré d’objets divers. Monsieur KIM explique que les livres, les plantes ou les antiquités sont des objets de contemplation pour les lettrés, et démontrent un certain raffinement et un refus des mondanités. Par ailleurs, un texte en caractères chinois vient prôner les valeurs néo-confucéennes. Cependant, KIM Hong-Do dépeint autour du personnage plusieurs objets venus de Chine et illustre ainsi la ferveur des gens de l’époque pour les collections. Ce paradoxe entre frugalité confucéenne et goût frénétique pour les collections est une conséquence du contexte socio-culturel de l’époque. En effet, le développement économique après les invasion mandchoues implique des changements dans la structure sociale où apparaissent des nouveaux riches et permet une certaine mobilité sociale. Le remplacement de la dynastie Ming par celle des Qing bouleverse les relations diplomatiques dans toute l’Asie. D’abord quelque peu hostile, les coréens poursuivent leur rapport tributaire avec les Qing et les relations s’apaisent, les échanges se stabilise et se développe comme jamais auparavant. La Corée importe plus d’œuvres et est mise en contact avec l’occident. Le développement de cette classe du milieu, dont KIM Hong-Do fait partie, relativement libre de l’idéologie d’Etat, est au cœur de cette nouvelle frénésie économique. Ils allient à la fois les anciennes vertus confucéennes avec ce goût immodéré et revendiqué pour les collections s’affirmant de plus en plus comme un nouveau capital culturel.

La discutante Mme RIBOUD remarque que cette peinture de KIM Hong-Do montre moins la collection, en faisant apparaître un unique objet par type, contrairement à une peinture, plus tardive, Chaekgado de bibliothèque rassemblant de nombreux objets de la même sorte. De plus, le tableau est complètement décontextualisé, la composition étant laissée sur fond blanc. La discutante s’interroge sur la coréanité de cette oeuvre. KIM Daeyeol répond que la coréanité résiderait dans ce paradoxe traduisant l’esprit de l’époque et les mutations socio-culturelles ayant cours au 18ème siècle. L’important n’étant pas tant ce qui est collectionné que le fait de collectionner des choses précieuses, critère d’identification à une certaine coréanité.

L’après-midi débute avec Francis MACOUIN, ancien conservateur au Musée Guimet, qui s’intéresse aux « portes à flèches rouges (hongsalmun) », un élément annexe dans les bâtiments de l’architecture coréenne du Chosôn. A la fin du Chosôn, le paysage était abondamment marqué par la présence de ces portiques, construction simple, composée de deux mâts verticaux reliés par deux traverses sur lesquelles étaient fixés des barreaux, et couverte d’un vernis rouge. Elles servaient à dignifier l’entrée d’un bâtiment ou marquer l’entrée d’un lieu sacré. Ce genre d’installation est assez commune en réalité et on peut en retrouver ailleurs dans le monde. En Chine, par exemple, il en existe des monumentales (en bois, en pierre, en brique ou en marbre) avec plusieurs arches et des toits. Au Japon, il y a une similarité notoire avec les torii, portiques qui marquent l’entrée des temples shintô (en bois ou en pierre), sur lesquelles on note l’absence de « flèches » (barreaudage). En Corée, ces portes ont souvent disparues au 20e siècle, celles à l’entrée des tombes des rois sont emblématiques. Le mot « hongsalmun » apparait pour la première fois au 17e siècle, auparavant il n’y avait mention que de « hongmun » (porte rouge). Dans divers livres illustrés montrant des hongmun ou chŏngmun qui était une distinction royale, Les barreaudages ne font leur apparition qu’au 18e siècle où l’on trouve une cohabitation des deux styles avec et sans « flèche ». Il faut attendre le 19e siècle pour ne plus avoir que des portes rouges à flèches. L’hypothèse qu’émet M. MACOUIN en guise de conclusion propose qu’avant le 17e siècle les portes n’avaient pas de flèches, et qu’ils se rapprochaient plus des torii japonais que des formes chinois. Il y aurait donc une évolution particulière de ces portiques en Corée à partir du17e siècle au plus tard.

Différentes questions sont posées sur l’architecture et l’utilisation de ces portes, telles que : l’emploi du mot hongsal (flèches rouges) qui est en fait un terme technique d’architecture auquel Francis MACOUIN préfère le mot barreaudage ; puis sur la possible dimension codifiée des portes qui dépendrait plus du contexte et s’adapterait à l’espace à occuper ; enfin, l’existence de portes éphémères qui semble difficile à prouver outre celles, connues, installées temporairement pendant la période des funérailles du souverain et retirées ensuite pour ne laisser que la porte principale face à la chapelle.

Mael BELLEC, conservateur du Musée Cernuschi, parle de la difficulté de définir la coréanité dans l’art parce qu’on joue ici sur des subtilités. Il rappelle que l’identité s’affirme moins en termes de similitudes que de différences. Pour tenter d’apporter une réponse à cette question, il choisit de comparer la Chine, le Japon et la Corée dans leur assimilation et leur traitement des modèles occidentaux. Avec l’arrivée au 16e siècle des premiers missionnaires, parmi lesquels Matteo RICCI, on assiste aux premiers contacts. En effet, les missionnaires se font accepter à la cour des Ming puis des Qing grâce à leurs qualités scientifiques plus qu’ecclésiastiques. Il s’opère alors un transfert de techniques, notamment artistiques, puis à une diffusion hors de la cour. Il prend l’exemple du traitement de la perspective à point focal unique. Chacun à leur manière, les trois pays produisent des illusions de perspective, comme le montrent trois exemples : une peinture chinoise structurée sur plusieurs lignes de fuite, une œuvre coréenne créant un effet d’optique en réduisant les lignes horizontales sans changer la dimension des personnages, et une œuvre japonaise dans laquelle sont employés deux points de fuite placés très proche l’un de l’autre pour créer la profondeur. Le vocabulaire artistique est similaire, le traitement est différent. Qu’est-ce qui peut expliquer ces divergences ? La manière dont ces vocabulaires ont été mis en contact est un élément de réponse : soit de manière direct par la rencontre et la formation des artistes à la cour comme en Chine et au Japon ; soit de manière indirecte via les émissaires envoyés à la cour de Chine par la Corée qui ramènent avec eux des objets. Cette diffusion est une conséquence d’un nouveau rapport au monde et au savoir plus pragmatique et naturaliste. Il remarque que la Corée ne cherche pas la cohérence dans le traitement de l’espace car elle préfère traduire la hiérarchie des personnages lors des cérémonies plutôt qu’une vision réaliste de la scène, exception faite des peintres de paysage qui, eux, cherchent la cohérence et le réalisme.

Une question de la salle interroge le fait que le regard sur l’art coréen, et l’art asiatique, est biaisé par notre regard occidental. M.BELLEC répond qu’on fait des choses que l’on comprend. En effet, s’il y a une continuité dans l’art des trois pays, c’est qu’ils partagent, du moins en partie, le même regard et le même vocabulaire. En guise d’exemple, il fait référence à la technique occidentale de l’ombrage déprécié dans les trois pays et qui vont chercher des techniques venues de l’art bouddhique pour faire apparaitre la profondeur et les reliefs au niveau des visages notamment. L’oeil est éduqué. Le souci des artistes est de faire passer dans un langage entendu par son public le message ou l’idée qu’il cherche à y mettre, d’où la nécessité d’un vocabulaire compréhensible et donc adapté au point de vue local. Cette adaptation crée les divergences et témoigne de l’identité propre à chaque pays. La définition de son identité a rarement été un problème aigu pour la Chine, contrairement à la Corée, et le Japon a créé son propre vocabulaire. Cela a pour conséquence une différenciation locale dans le traitement d’un vocabulaire partagé.

Ensuite, Mme. HWANG Juyeon retrace l’histoire et la pensée de KO Yu-Sǒp (1905 – 1944), «à la genése conceptuelle de la ‘beauté coréenne’». Né sous le protectorat japonais, il grandit et étudie pendant la colonisation japonaise. Il étudie à la faculté de lettre et de droit sous l’égide de professeurs japonais dès 1927, et obtient plus tard un poste de conservateur au musée préfectoral de Kaesǒng. Il est alors l’un des seuls coréens à occuper un poste dans une institution japonaise en Corée. Il a l’ambition de retracer l’histoire de l’art coréen de l’antiquité à 1910. Il écrit plus d’une centaine d’articles reprenant les idées sur l’esthétisme venues d’Allemagne. Il propose une définition conceptuelle de l’art des Trois Royaumes. Il tient une place particulière dans les théories d’histoire de l’art et de l’esthétique en Corée. Il est, en effet, le premier à donner une définition de la beauté coréenne en essayant, par une corrélation entre art et beauté, de définir ses valeurs et son sens en Corée. Il fait polémique entre les historiens d’art, d’un côté, qui voit dans sa pensée le biais du regard colonisateur japonais par lequel il a été formé et pour qui il travaille ; et de l’autre côté, les esthéticiens qui voit en lui la genèse de l’esthétique coréenne. Il a une conception phénoménologique hégélienne de l’art qui incarne la conscience et la valeur de la société. L’art est une émergence. Il n’est pas complètement séparé de la vie quotidienne d’un peuple qui vit en harmonie avec la nature. Influencé par les théories de son professeur, spécialiste de l’esthétique, UENO Naoteru, qui lui enseigne une vision de l’esthétique comme l’expérience phénoménale du beau différent de la perception sensible d’un objet pouvant être naturel ou artificiel. Le mot misul, qui signifie aujourd’hui l’art, désigne alors le produit humain qui exprime le beau, et mihak, l’étude du beau transcrit dans l’art. Dans sa conclusion, Madame HWANG explique, reprenant les idées de KO Yu-Sǒp, que la coréanité tiendrait dans la transcription dans l’objet d’art d’une objectivation sensible de la conscience et des valeurs esthétiques spécifiquement coréennes.

L’ultime intervenante de la journée, Mme. Okyang CHAE-DUPORGE, confronte la coréanité au prisme du mouvement artistique coréen Dansaekhwa (peinture monochrome coréenne) apparu dans les années soixante-dix. Dansaekhwa a longtemps été considéré comme le Minimalisme coréen et partage certains points communs avec celui-ci. Mais en réalité, il existe un grand écart stylistique entre l’art minimal et Dansaekhwa. Pendant cette période de modernisation sous la dictature de Park Jeonghee, les artistes s’acharnaient à trouver une expression moderne. Mais dans leur autocritique d’avoir suivi avec aveuglement l’art occidental (à l’époque synonyme de modernité), ils cherchaient également à marquer leur propre tradition dans l’œuvre, attitude encouragée par le gouvernement.  Les artistes coréens ont essentiellement conçu cet espace pictural comme un lieu de pratique ascétique ou de méditation pour atteindre à la spiritualité. Chaque artiste trouve sa méthode bien spécifique : par exemple, Park Seo Bo traces des lignes continues au crayon, Ha Chong Hyun fait affleurer la peinture à travers les fibres depuis l’arrière de la toile, Kwon Young Woo presse, perce et déchire le Hanji (papier coréen), chung Sang Hwa répète collage et décollage, Chung Chang Sup applique du Tak, fibre du mûrier, Yun Hyong Keun et Kim Guiline jouent de la superposition des couches de peinture. Lee Ufan, qui était le théoricien du Monho-ha, mouvement artistique japonais de la fin des années soixante, a également participé à ce mouvement tout en résidant au Japon. Sa théorie a été décisive dans la formation de la vision de ce groupe. Pour lui, l’homme a eu tort de se mettre au centre du monde et de la création artistique. L’art doit être un lieu ouvert où advient la fraîche rencontre entre l’homme et le monde. L’artiste ne vise pas la fabrication d’une œuvre car l’intérêt ne réside pas dans l’objet lui-même, mais dans l’interaction entre l’homme et la toile, ou plus largement l’espace. C’est ainsi qu’on mesure l’importance du geste dans le Dansaekhwa dans les coups de pinceau ou les projections de couleurs sur la toile. Tout en respectant la planéité, ils réinventent cet espace plane comme un champ de rencontre entre le sujet et l’objet à travers leur action. Cette aspiration à éprouver l’unité avec le matériau est héritée d’une vision orientale du monde qui tend plutôt à amener les choses à se manifester qu’à les contrôler ou les manipuler.  Dans les années quatre-vingt, le Dansaekhwa est attaqué par les représentants du mouvement Minjung sur le silence observé face à la dictature en Corée mais les artistes de Dansaekhwa se défendent en mettant en avant le fait que ce silence est justement leur manière de résister.

La journée se termine par une représentation de la pièce « Les quatre esquisses de l’amour » en coréen sur le thème comment définir l’amour ; mise en scène par HONG Sora, lectrice au département d’études coréennes à l’INALCO, et interprétée par une dizaine d’étudiants de première et deuxième année de LLCER Coréen.

Compte-rendu rédigé par Pauline Naillon
Photos prises par Emilie Nahas sauf les photos 1, 6, 13 prises par Doriane Svizerra
Toutes trois étudiantes de L1 dans le département d’études coréennes à l’INALCO.
Pour le Réseau des Études sur la Corée

« Un jour de chance et autres nouvelles » par Hyun Jin-geon
traduit du coréen par Mi-Kyung Friedli et David Reichenbach,
avec la participation de Roger Leverrier, Moon Su-hye et Gilles Ouvrard.
L’Atelier des cahiers, collection « Grands nouvellistes », juin 2018, 250 pages
ISBN : 979-10-91555-41-8

Présentation de l’éditeur

« Parvenu aux abords du jardin botanique de Changgyeong, le vieux Kim ralentit enfin sa course pour reprendre haleine. Son cœur, curieusement, paraissait se calmer à chaque pas qui le rapprochait de chez lui. Toutefois il ne s’agissait point d’apaisement. Cela découlait au contraire d’une étrange conviction : celle qu’un effroyable malheur l’attendait en embuscade. Il regarda alentour, cherchant désespérément quelqu’un qui eût pu le retenir, le sauver de ses jambes qui le portaient impuissant vers ce guet-apens. Il lui fallait à tout prix retarder cette confrontation, savourer encore et le plus longtemps possible le bonheur que lui avait apporté cette journée miraculeuse. »

Un jour de chance, Une société qui pousse à boire, L’Incendie… À travers ces grands classiques de la nouvelle coréenne, Hyun Jin-geon dépeint d’un regard à la fois tendre et perspicace la psychologie des gens du peuple, essayant tant bien que mal de survivre dans la Corée des années 1920. Pleins de bonté et de simplicité, parfois aussi victimes de leurs faiblesses, ces personnages profondément humains – pour le meilleur et pour le pire – résistent à la misère du quotidien avec abnégation et générosité. Nous plongeant au cœur de leur situation et nous faisant prendre part à leurs choix, Hyun Jin-geon livre ici, avec violence parfois, mais toujours avec l’authenticité des grands artistes, un témoignage touchant et saisissant de la société de son époque. Pour plus d’informations, voir le site de l’Atelier des Cahiers.

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Academy of Korean studies Inalco Université Paris Diderot-Paris 7 EHESS