Mission de terrain du 24 avril au 3 juin 2019 – Séoul, Corée du sud
Objectifs de la mission
Mes deux objectifs principaux au cours des cinq semaines de mission sur le terrain étaient, en premier lieu de rencontrer des experts sur les questions liées au développement du programme nucléaire et balistique du régime nord-coréen, ce qui englobe également les relations entre les acteurs majeurs de la région tels que les États-Unis ou la Chine ainsi que la politique étrangère de la Corée du sud vis-à-vis de son voisin du Nord. En second lieu, dans le cadre de mes travaux de recherche portant sur la rhétorique du régime nord-coréen depuis 1985, il s’agissait de récolter les discours et entretiens effectués par les dirigeants dans les années 1980-1990 ainsi que d’autres ouvrages concernant l’idéologie du régime, qui ne sont pas disponibles dans les ressources en ligne.
Entretiens avec des experts
L’une des institutions privilégiées pour effectuer mes entretiens était l’Institute of Foreign Affairs and National Security (IFANS) de l’Académie diplomatique nationale de la République de Corée (KNDA). L’IFANS dépend directement du ministère des Affaires étrangères sud-coréen et ses chercheurs disposent donc de données auxquelles d’autres centres de recherche ont plus difficilement accès. En outre, leurs analyses en matière de politique étrangère de la Corée du sud et de relations intercoréennes comportent souvent une perspective historique très pertinente à la lumière de l’actualité toujours changeante sur ce sujet. Cette institution a répondu très positivement à mes demandes d’entretien. J’ai pu rencontrer les chercheurs Lee Sang-sook et Kim Hyun-wook. Mon premier entretien avec Le Pr. Lee a porté sur les relations entre les relations intercoréennes ainsi que le rôle de la Chine dans les questions relatives au développement du programme nucléaire et balistique de la Corée du nord. Lors de mon second entretien, Pr. Kim a lui abordé l’influence des États-Unis sur la politique étrangère du gouvernement sud-coréen ainsi que les perspectives d’avenir concernant le processus de paix entre les deux Corée.
La question de la réunification constitue une partie importante de la rhétorique du régime nord-coréen et une justification du maintien de son programme nucléaire et balistique afin d’éviter un cas d’absorption du système du Juche par le système capitaliste sud-coréen. C’est dans ce cadre que j’ai rencontré Pr. Do Ji-in, chercheuse à l’Institute of Humanities for Unification de Konkuk University. L’institut de recherche sur l’unification propose une approche originale, différant de l’approche du centre de recherche le plus médiatisé sur ce sujet, le Korean Institute for Unification (KINU) qui dépend du ministère de l’Unification sud-coréen. L’entretien avec Pr. Do a permis d’aborder cette approche humaniste fondée sur les valeurs communes partagées entre les deux Corée. Étant diplômée d’un doctorat de l’University for North Korean Studies sur le sujet de la rupture sino-soviétique, qui était l’un des facteurs contribuant au développement du programme nucléaire et balistique du régime nord-coréen, Pr. Do a également retracé les origines de ce programme. Pr. Do était très intéressée par mes travaux de recherche et cet entretien a permis d’aboutir à une proposition de publication en anglais dans la revue scientifique S/N Korean Humanities dont elle est éditrice associée.
Enfin, l’un des entretiens les plus fructueux a été réalisé avec le vice-président de l’University for North Korean Studies, Pr. Dean Ouellette. Nos échanges ont principalement porté sur l’idéologie du régime nord-coréen ainsi que sur la possibilité de résoudre les conflits avec la Corée du nord grâce au multilatéralisme. Spécialiste des questions liées à l’économie nord-coréenne, Pr. Ouellette a également abordé le sujet de la transition économique opérée par le régime, la place des marchés informels dans l’économie nord-coréenne et la relation du régime avec les organisations non gouvernementales présentes sur le territoire nord-coréen.
Travaux de recherche dans les archives
Mon entretien avec le vice-président de l’University for North Korean Studies m’a permis d’obtenir l’accès aux archives nord-coréennes de l’université. En raison de la loi de sécurité nationale, l’accès à ces sources est limité et nécessite une autorisation de consultation. Toute reproduction est interdite, c’est pourquoi le temps de consultation sur place a mobilisé plusieurs jours et ainsi occupé une grande partie de ma mission.
Les archives de l’University for North Korean Studies regroupent diverses sources en langue nord-coréenne, anglaise et chinoise : manuels scolaires, archives de journaux (Rodong Sinmun, Pyongyang Times…), revues spécialisées, compilations d’écrits des dirigeants, compilations de discours, ouvrages idéologiques… Mes recherches se sont concentrées sur les deux dernières catégories. Elles ont en effet porté tout d’abord sur le repérage et l’analyse des discours clés de Kim Il-sung depuis 1985 et de Kim Jong-il dans les ouvrages compilant les discours. Ensuite, j’ai consacré un nombre important d’heures à la lecture d’ouvrages sur l’idéologie nord-coréenne et également sur la politique du songun qui constitue le socle des décisions en matière de politique de défense et de politique étrangère du régime nord-coréen.
Participation à un colloque international
Ma mission a également été l’occasion d’effectuer un séjour en Chine du 29 au 31 mai à Changchun, dans la province du Jilin, région stratégique dans le domaine étudié, car frontalière de la Corée du nord. Ce déplacement a été réalisé dans le cadre de ma participation à une table-ronde organisée entre l’IFRAE et l’Institut de recherches sur l’Asie du Nord-Est de l’Université du Jilin intitulée « Dénucléarisation de la péninsule coréenne et relations internationales en Asie du Nord-Est : progrès et perspectives » avec le soutien du Consulat général de France à Shenyang et Campus France.
La délégation d’universitaires français était composée de M. Sébastien Colin, M. Kim Dae-yeol et Mme Kim Hui-yeon. Le Consul général de France à Shenyang, M. Marc Lamy ainsi que l’attachée pour la coopération scientifique et universitaire, Mme Claire-Lise Dautry étaient également présents lors de la table ronde. Cette table-ronde a été l’occasion d’échanger avec des enseignants-chercheurs chinois, spécialistes en études nord-coréennes sur divers sujets tels que l’économie nord-coréenne, la politique étrangère du régime nord-coréen ou encore les questions de sécurité et de défense dans la péninsule coréenne. J’ai présenté mes travaux au cours de mon exposé intitulé « Dénucléarisation de la péninsule coréenne : discours et perspectives » qui consistait en une analyse des discours clés de Kim Jong-un depuis son arrivée au pouvoir après le décès de son père en 2011.
Enfin, l’objectif de la délégation française était également de développer une coopération universitaire entre l’Inalco et l’Université du Jilin, ce dont il a été question dans les discussions annexes au colloque.
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