Rompant avec les projets à gros financement qui sont présentés à la communauté scientifique comme modèles, rompant avec « l’occidentalo-centrisme », l’Encyclopédie des Historiographies : Afriques, Amériques, Asies, est un projet original et ambitieux. Il montre qu’il est possible de mettre en valeur recherches historiques et aires culturelles avec peu de moyens financiers, en prenant pour appui les réseaux de collaboration des chercheurs francophones. Le premier volume du projet éditorial traitant des « Sources et genres historiques » vient de paraître en Open édition aux Presses de l’Inalco en attendant la publication papier au début de l’été 2020. Véritable somme, l’Encyclopédie donne un aperçu de la richesse des traditions historiographiques dans les trois continents d’Afrique, d’Amérique et d’Asie en proposant au grand public un décentrement du regard, propice à un renouvellement des perspectives. L’Asie Orientale y est bien présente à la mesure de la longue durée de ses pratiques d’écriture et d’usages de l’Histoire.
Au sein de cet ensemble, avec vingt entrées rédigées par quinze auteurs (américain, belge, canadien, coréens, français) issus de treize institutions académiques, et représentant près de 10% de la totalité des notices, l’Histoire de Corée est bien représentée. Les entrées sur la Corée coordonnées par Yannick Bruneton (https://books.openedition.org/pressesinalco/34697) constituent un ensemble inédit par sa consistance (plus de 200 pages), sa diversité (la période couverte représente plus de vingt siècles), et par le fait qu’il est écrit majoritairement en langue française (4 entrées en langue anglaise). Douze sources importantes – sinon majeures – de l’historiographie coréenne sont décrites, ainsi que huit genres historiques ou à forte valeur historique.
Les notices des sources traitent, par ordre chronologique, du Xuanhe fengshi Gaolitujing (宣和奉使高麗圖經, 1123), Samguk Sagi (三國史記, 1145), Samguk yusa (三國遺事, ca. 1285), Nosongdang Ilbonhaengnok (老松堂日本行錄, 1420), Koryŏsa (高麗史, 1451), Haedong Chegukki (海東諸國記, 1471), Tongmunsŏn (東文選, 1478), Chosŏn Wangjo Sillok (朝鮮王朝實錄), Sŭngjŏngwŏn ilgi (承政院日記), Yongjae ch’onghwa (慵齋叢話, XVIe s.), Chingbirok (懲毖錄, début du XVIIe s.), Archives du Mouvement Saema’ŭl (새마을운동기록물, XXe s.). Les genres historiques exposés sont les « Relations sur les Barbares de l’Est » des histoires dynastiques officielles chinoises (正史 東夷傳), les manuscrits (古文書) des époques du Koryŏ et du Chosŏn, textes de stèles de grands moines de Corée (高僧碑文), notes de lettrés du Chosŏn (筆記), kasa catholiques (天主歌辭), sources monastiques bouddhiques, documents japonais de l’époque d’Edo relatifs à la Guerre d’Imjin (江戶時代 日本의 壬辰倭亂 관련 文獻). Chaque entrée comporte un résumé (français et anglais), un texte de longueur variable (de 3 à 19 pages), une bibliographie et des notes. Immédiatement disponible grâce à son édition en ligne en libre accès, la présente publication devrait contribuer à faire connaître dès maintenant et plus largement des aspects fondamentaux de la production historiographique de la Corée.
Le résultat de la première tranche triennale du projet devrait inciter les éventuels contributeurs (dont les membres du RESCOR) à participer à son deuxième volet consacré aux « Figures, écoles, débats historiographiques ». Nous souhaitons à l’Encyclopédie des Historiographies et à ses initiateurs toute la réussite que mérite un projet aussi ambitieux, utile et novateur.
Professeur des universités à l’Université Paris Diderot
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