Traductions pour : 옥갑야화(玉匣夜話)

Discussions nocturnes à Yuxia (Okkap yahwa 玉匣夜話)

Texte original

Traduction

行還至玉匣,與諸裨(譯)連牀夜語。燕京舊時風俗淳厚,譯輩雖萬金能相假貸,

 

 

De retour à Yuxia, je passai la nuit à discuter avec les assistants (et interprètes) allongés les uns à côté des autres[B1]. L’honnêteté des mœurs régnait autrefois à Yanjing[B2] où les interprètes pouvaient prêter ou emprunter la somme de dix-mille liang[B3]

今則彼以欺詐爲能事,而其曲未嘗不先自我人始也。三十年前,有一譯空手入燕。將還,對其主顧而泣。主顧怪而問之,對曰:“渡江時潛挾他人銀,事發,倂已包沒于官。今空手還,無以爲生,不如無還。”拔刀欲自殺。主顧驚急抱持,奪刀問曰:“所沒銀幾何?”曰:“三千兩。”

Toutefois, ces derniers excellent aujourd’hui dans les escroqueries, et il est d’ailleurs bien probable que cette malhonnêteté ait commencé avec des gens de notre pays.

 

Voilà trente ans, un interprète arriva à Yanjing les mains vides. Lorsque vint le moment du départ, il fondit en larmes devant l’un de ses clients[B4] qui, tout étonné, s’enquit de la situation. La réponse fut la suivante : 

 

« Je transportai en cachette l’argent de plusieurs personnes au moment de traverser le fleuve [Yalu], mais les autorités le découvrirent et saisirent toutes mes affaires. Je rentre à présent tel un miséreux et n’ai plus de quoi assurer ma subsistance. Mieux vaut donc ne pas m’en retourner chez moi. »

 

Il sortit alors un couteau de sa gaine pour mettre fin à ses jours. Mais l’autre, tout affolé, s’empressa de le ceinturer et d’arracher l’arme. Il lui demanda ensuite :

 

« Quelle somme vous a-t-on confisqué ? »

 

- Trois mille liang, lui répondit l’interprète[B5]

 

 

主顧慰曰:“大丈夫獨患無身,何患無銀?今死不還,將如妻子何?吾貸君萬金,五年貨殖,可復得萬金,以本銀償我。” 譯旣得萬金,遂大貿而還。當時未有識之者,莫不神其才。五年中遂致鉅富,乃自削籍譯院,不復入燕。久之,密囑其所親之入燕者曰:“燕市若遇某主顧,當問安否,須道闔家遘癘死。”所親以說謊頗難之。譯曰:“第如此而還,當奉君百金。” 旣入燕,果遇某主顧,問譯安否,俱對如所受囑。

 

- Le seul souci d’un homme valeureux est de perdre la vie, le consola le client. Pourquoi s’affliger d’être sans le sou ? Aujourd’hui, vous voulez mourir et ne pas rentrer chez vous. Que deviendront alors votre épouse et vos enfants ? Je vais vous prêter dix-mille liang. Amassez des richesses pendant cinq ans, ce qui vous permettra de récupérer cette somme et me rembourser le capital.

 

Ayant reçu ladite somme, l’interprète se lança dans de grandes transactions, puis il rentra au pays. Personne n’avait connaissance de l’affaire à cette époque, et tous portaient ses talents en grande estime. Il devint richissime en l’espace de cinq ans, fit lui-même retirer son nom du registre officiel des interprètes et ne retourna plus jamais à Yanjing. Quelque temps plus tard, il fit en secret la recommandation suivante à l’un de ses proches en partance pour cette même destination :

 

« Si vous rencontrez un certain client dans les marchés de la capitale, il vous demandera sans doute de mes nouvelles, mais il faut absolument lui raconter qu’une épidémie a emporté toute ma famille. »

 

L’ami fit savoir qu’il lui serait bien difficile de proférer de tels mensonges, mais l’interprète lui rétorqua :

« Si tu y consens, je te donnerai cent nyang à ton retour. »

Une fois parvenu à Yanjing, cet ami rencontra en effet le client qui l’interrogea au sujet de l’interprète. Sa réponse fut en tout point exacte à la sollicitation qui lui avait été faite.

 

主顧掩面大慟,泣如雨下曰:“天乎天乎 ! 何降禍善人之家,若是之慘耶?”遂以百金托之曰:“彼妻子俱亡無主者,幸君還國,爲我以五十金具幣設奠,以五十金追齋薦福。”所親者殊錯愣然,業已謬言,遂受百金而還。其譯家已遘癘沒死,無遺者。其人大驚且懼,悉以百金爲主顧薦齋,終身不復爲燕行曰:“吾無面目復見主顧。”

Profondément affligé, le client se couvrit le visage et, pleurant à seaux, lui demanda :

 

« Ciel ! Ciel ! Quel fléau a-t-il pu s’abattre sur le foyer d’un homme de bien pour qu’il connaisse un tel malheur ? »

Il lui confia alors cent liang en disant :

 

« Son épouse et ses enfants sont tous morts sans que personne ne puisse présider aux funérailles. Lorsque vous regagnerez votre pays, achetez pour moi cinquante liang d’étoffes et d’offrandes à disposer sur l’autel, et utilisez les cinquante autres pour une cérémonie qui procurera le bonheur aux défunts. »

 

L’ami resta bouche bée, mais son mensonge le contraignit à accepter les cent liang qu’il emporta en Corée. Entre temps, la famille de l’interprète avait été emportée par une épidémie, sans laisser la moindre descendance. Frappé de terreur, l’ami dépensa la totalité de la somme dans une cérémonie, comme l’avait prié le client, et il n’osa plus jamais entreprendre le voyage de Yanjing jusqu’à la fin de ses jours, se disant :

 

« J’aurais honte de croiser à nouveau ce client. »

 

 

有言:“李知事樞,近世名譯也。平居口未嘗言錢,出入燕京四十餘年,手未嘗執銀,有愷悌君子之風。”

有言:“唐城君洪純彥,  明萬曆時名譯也。

Quelqu’un évoqua ensuite l’anecdote suivante.

 

Le premier conseiller Yi Ch’u fut un interprète renommé de ces dernières décennies[B6]. Il ne parlait jamais d’argent et fit le voyage de Yanjing pendant une quarantaine d’années sans jamais tenir la moindre sapèque entre ses mains. Il avait l’allure affable d’un homme de bien[B7]

 

Une autre personne raconta par ailleurs cette histoire.

 

Hong Sunŏn, prince de Tangsŏng[B8], fut un célèbre interprète à l’époque de l’empereur Wanli de la dynastie des Ming[B9]

 

入皇城,嘗遊娼館。女隨色第價,有千金者,洪以千金求薦枕。女方二八,有殊色,對君泣曰:‘奴所以索高價者,誠謂天下皆慳男,無肯捐千金者,祈以免斯須之辱。一日再日,本欲以愚館主,一以望天下有義氣人,贖奴作箕帚妾。奴入娼館五日,無敢以千金來者,今日幸逢天下義氣人。然公外國人,法不當將奴還,此身一染,不可復浣。’

Lors d’une ambassade à la capitale impériale[B10] il alla se distraire dans une maison de plaisir. Chaque femme avait un prix correspondant à sa beauté et l’une d’entre elles se montait à mille liang. Hong Sunŏn offrit de payer ce montant afin de passer la nuit en charmante compagnie. La jeune fille était âgée de seize ans et dotée d’une beauté extraordinaire, mais elle lui annonça en pleurant :

 

« Si moi, votre humble servante, réclame une telle somme, c’est en vérité parce qu’en ce monde regorgeant d’hommes avares et peu enclins à débourser mille liang, j’espère plus que tout échapper à l’humiliation d’un instant. En leurrant ainsi le propriétaire, j’en vins dans les premiers jours à caresser l’espoir qu’un homme au cœur noble me rachèterait et ferait de moi son épouse[B11] ou sa concubine. Mais personne ne fut prêt à verser les mille liang, même au bout de cinq jours. Aujourd’hui cependant, j’ai la chance de rencontrer l’homme tant attendu. Vous êtes toutefois un étranger, et les lois ne me permettront pas de repartir avec vous. Dès que mon corps aura été souillé, je ne pourrai plus faire disparaître cette tache. »

 

 

洪殊憐之,問其所以入娼館者,對曰:‘奴南京戶部侍郞某女也。家被籍追贓,自賣身娼館,以贖父死。’洪大驚曰:‘吾實不識如此。今當贖妹,償價幾何?’

Hong ressentit une grande pitié et s’enquit de la raison ayant amené la jeune femme dans cet établissement.

« Je suis la fille du vice-ministre du Cens à Nankin, lui expliqua-t-elle[B12]. Nos propriétés ont été confisquées et nos biens mal acquis pareillement saisis. Je me suis donc vendue dans cette maison de plaisir pour racheter la mort de mon père[B13]. »

 

- Je ne m’en doutais vraiment pas, répondit Hong avec grand étonnement. Mais je vais racheter aujourd’hui même ta liberté[B14]. À quel montant est-elle fixée ?

女曰:‘二千金。’洪立輸之,與訣別。女百拜稱恩父而去。其後洪復絶不置意,嘗又入中國,沿道數訪洪純彥來否,洪怪之。及近皇城,路左盛設供帳,迎謂洪曰:‘本兵石老爺奉邀。’及至石第,石尙書迎拜曰:‘恩丈也,公女待翁久。’遂握手入內室。夫人盛粧拜堂下。洪惶恐不知所爲。尙書笑曰:‘丈人久忘乃女耶 ?’

 

- Deux mille liang.

 

Hong offrit derechef la somme demandée avant de faire ses adieux. La jeune femme répondit par une centaine de prosternations ponctuées de « Mon père bienfaiteur », puis elle quitta l’établissement à son tour. Hong ne se soucia bientôt plus de cette affaire. Mais lorsqu’il retourna par la suite en Chine, il trouva bien étrange que des personnes croisées en différents points sur la route cherchassent à s’informer de sa présence. En arrivant dans les environs de la capitale impériale, Hong aperçut une imposante tente dressée en vue d’un banquet sur le côté gauche de la route avec des gens l’accueillant en ces termes :

 

« Le ministre de l’Armée, Sieur Shi, vous souhaite la bienvenue. »

 

Hong parvint bientôt à la demeure du ministre qui le reçut avec une prosternation :

 

« Vénérable bienfaiteur, votre fille vous attend depuis longtemps. »

 

Le ministre lui prit la main et le conduisit dans les appartements privés des femmes où son épouse, magnifiquement vêtue et somptueusement fardée, s’inclina jusqu’au sol. Hong resta apeuré et déconcerté jusqu’à ce que le ministre lui demande avec un sourire :

 

« Auriez-vous donc oublié votre fille après tout ce temps ? »

 

洪始知夫人乃娼館所贖女也。出娼館,卽歸石星,爲繼室。比石貴,夫人猶手自織錦,皆刺報恩字。及洪歸,裝送報恩緞及他錦綺金銀,不可勝數。及壬辰倭寇,石在本兵,力主出兵者,以石本義朝鮮人故也。”

Hong devina alors que cette femme était celle qu’il avait précédemment sauvée. Une fois sortie de la maison de plaisir, elle s’était mariée sans tarder et était devenue la seconde épouse du [futur] ministre Shi Xing[B15]. Lorsque ce dernier devint un personnage important, elle se mit à broder de ses propres mains des pièces de brocart en inscrivant sur chacune les [deux] caractères bao en, « payer de retour un bienfait ». Lorsque Hong repartit dans son pays, elle lui fit envoyer des tissus avec les caractères bao en et d’autres pièces de satin, ainsi que de l’or et de l’argent en quantités incalculables[B16]. Lors de l’invasion des pirates japonais de l’année imjin, Shi était au poste de ministre de l’Armée et il se fit le partisan de l’envoi de troupes, car il considérait les gens du Chosôn étaient fondamentalement bons[B17].

 

有言:“朝鮮商賈熟主顧鄭世泰之,富甲于皇城。及世泰死,一敗塗地。世泰只有一孫,男中絶色,幼賣塲戱。世泰時夥計林哥,今鉅富,見塲戱中一美男子呈戱,心慕之。聞其爲鄭家兒郞,相持泣,遂以千金贖之,與俱歸家。戒家人曰:‘善視之。此吾家舊主人,勿以戱子賤之。’及長,中分其財而業之。世泰孫身肥白美麗,無所事,惟飛紙鷂,遊戱皇城中。”

Cette autre histoire fut ensuite relatée.

 

Zheng Shitai, un client bien connu des marchands de notre pays, était l’un des hommes les plus riches de la capitale impériale, mais toutes ses affaires périclitèrent à sa mort[B18]. Il n’avait qu’un seul petit-fils, un jeune homme au visage d’une beauté merveilleuse, qui dût se vendre à une troupe de théâtre. Shitai avait eu de son vivant un employé, Frère Lin, qui est depuis devenu richissime. Ce dernier aperçut un jour un très beau jeune homme jouer sur scène et en fut admiratif[B19]. Apprenant qu’il s’agissait d’un fils de la famille Zheng, lui-même et ce dernier tombèrent en larmes dans les bras l’un de l’autre. Lin le racheta alors pour mille liang, le ramena dans sa demeure et mit en garde ses proches :

 

« Veillez bien sur lui. Il appartient à la famille de notre ancien maître, et il ne faut surtout pas le mépriser comme un simple acteur de théâtre. »

 

Une fois le jeune homme parvenu à l’âge adulte, Lin divisa sa fortune en deux et lui en donna une moitié comme héritage. Le petit-fils de Shitai, avec son beau corps opulent et sa peau toute blanche, mena dès lors une vie oisive, se contentant de faire voler un cerf-volant en forme de rapace et de se divertir dans la capitale.

 

舊時買賣,不開包檢驗,直以燕裝還,照帳無少差謬。有誤以白毳帽裝送者,及歸開視,皆白帽也。自悔未閱,丁丑兩   恤,反獲倍直。然亦彼中不古之徵也。近歲則物貨自裝,不任主顧裝送云。

 

Autrefois les marchandises achetées à Yanjing étaient transportées directement jusqu’en Corée sans la moindre inspection et il n’y avait pas une seule erreur au moment de vérifier les registres à l’arrivée. Mais une bévue survint finalement un jour avec le transport de chapeaux blancs en duvet d’oiseau. On découvrit en ouvrant les ballots qu’il n’y avait que des chapeaux blancs [destinés aux funérailles[B20]]. Les acheteurs regrettèrent bien de ne pas avoir examiné leurs marchandises, mais lorsque se déroulèrent les deux funérailles [royales] de l’année chŏngch’u, leurs bénéfices furent multipliés par deux[B21]. Malgré cela, on vit dans cette histoire un signe précurseur de la fin du temps jadis[B22]. C’est la raison pour laquelle, depuis ces dernières années, chacun prépare ses propres ballots et ne laisse plus les clients [chinois] s’en occuper.

 

有言:“卞承業之病也,欲閱視貨殖都數。聚諸夥計帳簿,合籌之,共銀五十餘萬。其子曰:‘斂散煩,久且耗,請因而收之。’承業大恚曰:‘此都城中萬戶命脉也。奈何一朝絶之?’亟還之。承業旣老,戒其子孫曰:

Quelqu’un raconta ensuite cette histoire.

 

Frappé par une maladie, Pyŏn Sŭngŏp voulut connaître l’étendue de sa fortune[B23]

Il réunit les livres de compte tenus par ses employés et calcula qu’il possédait plus de 500 000 nyang. Ses fils lui firent alors cette requête :

 

« Réunir tout cet argent pour le disperser à nouveau est une entreprise épuisante. Il sera de toute façon dépensé avec le temps. Nous vous prions donc de vous en tenir là. »

 

- Ce que je fais est absolument vital pour tous les foyers de la capitale, répondit Sŭngŏp tout énervé. Comment pourrais-je mettre un terme à mes affaires du jour au lendemain ? » .

 

Et il les renvoya sur-le-champ dans leurs appartements. Mais sentant ses vieux jours arriver, Sŭngŏp prit soin d’avertir ses enfants et petits-enfants :

 

‘吾所事公卿多,獨秉國論爲家計者,鮮及三世矣。國中之爲財者,視吾家出入爲高下,是亦國論也。不散且及禍。’故其子孫蕃而擧貧窶者,承業旣老,多散之也。”

余亦言: “有尹映者,嘗道卞承業之富,其貨財有自來。(承業祖父時,錢不過數萬,嘗得許姓士人銀十萬,遂)富甲一國。

« J’ai eu l’opportunité de servir bien des hauts fonctionnaires[B24]

. Rares sont pourtant ceux qui, tout en accaparant les affaires de l’État à des fins personnelles, ont pu maintenir l’influence de leur lignée sur trois générations. Les gens les plus fortunés dans ce pays considèrent que le négoce mené par notre famille est à même d’influer sur l’état du royaume. Si mon argent et mes biens ne sont pas dispersés, cela nous portera malheur. »

 

Si les descendants de Sûngôp, fort nombreux, durent vivre petitement, c’est bien parce que leur aïeul dispersa l’essentiel de sa fortune au soir de sa vie.

 

J’ai quant à moi rapporté une histoire entendue d’un certain Yun Yŏng[B25]. Ce dernier m’avait parlé de Pyŏn Sŭngôp et de sa grande fortune qui avait une origine bien précise. (Le grand-père de Sŭngŏp ne disposait à son époque que de quelques dizaines de milliers de nyang, mais il en obtint un jour cent-mille d’un lettré nommé Hŏ, et c’est ainsi) qu’il devint l’homme le plus riche du pays[B26]

 

至承業時少衰,方其初起時,莫不有命存焉。觀許生事可異也。許生竟不言其名,故世無得而知者云。映之言曰: [。。。] 。”

Le déclin s’annonça à l’époque de Sŭngŏp. Pourtant, le fait même que ce dernier commença lui aussi à s’enrichir est indéniablement un signe du destin. Il faut en outre prendre en considération un élément curieux dans l’affaire du lettré Hŏ. Ce dernier se garde bien de révéler son nom personnel[B27], et c’est pour cela, dit-on, que personne au monde n’a jamais été capable de percer à jour son identité. Voilà ce que raconte Yun Yŏng : [ici commence « L’histoire du lettré Hŏ »].

Notes

  1. ^ Par souci de commodité, un saut de ligne sépare chacune des six histoires dans notre traduction. Le texte original se contente pour sa part d’un retour à la ligne.
  2. ^ Le passage entre parenthèses n’apparaît que dans la version dite Jindŏkchae yahwa (cf. introduction ci-dessus). Les ambassades coréennes en Chine et au Japon étaient menées par trois fonctionnaires principaux (samsa 三使) : un émissaire en chef (chŏngsa 正使), un vice-émissaire (pusa 副使) et un secrétaire d’ambassade (sŏjanggwan 書狀官). Ces trois fonctionnaires étaient secondées par un ou deux assistants (chaje pijang 子弟裨將). Lors de l’ambassade de 1780, l’émissaire en chef Pak Myŏngwŏn 朴明源 était assisté d’un archiviste (chubu 主簿, 6b) dénommé Chu Myŏngsin 周命新 ; le vice-émissaire Chŏng Wŏnsi 鄭元始l’était par le licencié (jinsa 進士) Chŏng Ch’anghu 鄭昌後 et le secrétaire (nangch’ŏng 郞廳, 6b) Yi Sŏ’gwi 李瑞龜 ; et enfin le secrétaire d’ambassade Cho Chŏngjin 趙鼎鎮 l’était par le secrétaire (nangch’ŏng) Cho Sihak 趙時學. Tous ces assistants étaient des fils ou neveux des trois fonctionnaires principaux. Les interprètes étaient par ailleurs au nombre de trois en 1780. Cf. Kang 2017 : 27-28 et Kim Yŏngdong 1988 : 127.
  3. ^ Le liang n’était pas exactement une monnaie, mais un moyen de paiement qui correspondait à une unité de poids (un liang équivalant à une once). Les pièces (sapèques) étaient rondes avec un trou carré qui permettait de les rassembler pour en faciliter le transport. Cent sapèques formaient une ligature dite liang. Ce même système existait aussi en Corée où liang se prononce nyang. Les deux termes sont donc utilisés dans notre traduction, en fonction du pays.
  4. ^ Chugo 主顧. Ce terme récurrent dans les « Discussions nocturnes à Yuxia » désigne les marchands chinois qui faisaient commerce à Pékin avec les interprètes coréens.
  5. ^ C’était théoriquement la somme maximale que chacun des deux interprètes en chef (suyŏ首譯 ou tangsang yŏkkwan 堂上譯官) pouvait emporter lors d’une ambassade à Pékin. L’émissaire en chef et le vice-émissaire avaient droit à un montant identique. En revanche, les autres interprètes et le secrétaire de l’ambassade étaient limités à 2 000 liang. Toutefois, il s’avère que les sommes transportées étaient dans la réalité bien supérieures. Pour ne citer qu’un exemple, le marchand Zheng Shitai (qui fait l’objet de la quatrième histoire, un peu plus loin), s’étonnait en 1727 que les Coréens pouvaient amener plusieurs centaines de milliers de liang à Pékin lors de chaque ambassade. Voir Kang 2017 : 68-69, 544 et Kim 2017 : 112 (tableau complet des sommes autorisées).
  6. ^ Membre de la lignée des Yi de Kŭmsan 金山李氏, connue pour être l’une des plus illustres familles d’interprètes, Yi Ch’u 李樞 (1675-1746) fut admis en tant qu’interprète de langue chinoise en 1693. Il effectua pas moins de trente-trois voyages à Pékin dont six en vue d’obtenir de la cour impériale une révision de l’Histoire officielle des Ming (Mingshi 明史) qui présentait une version incorrecte du coup d’État d’Injo en 1623. Dans notre texte, il porte le titre de premier conseiller (chisa 知事, 2a), ce qui lui donnait un rang élevé dans la hiérarchie bureaucratique. Son comportement irréprochable et son mépris pour le profit sont confirmés par plusieurs sources contemporaines. Sur ce personnage, voir Chang 2016.
  7. ^ Kunja (chi. junzi) 君子. Il s’agit de l’idéal à atteindre pour tout homme épris des valeurs morales confucéennes. L’homme de bien valorise le sens du juste et cherche à atteindre la vertu parfaite, à la différence de l’« homme de peu » (soin, chi. xiaoren 小人) porté sur l’intérêt et le profit.
  8. ^ Hong Sunŏn 洪純彥 (1530-1598), l’un des plus grands interprètes de son temps, ne se contenta pas d’accueillir sept ambassades chinoises à Séoul et de se rendre par treize fois à Pékin, mais il joua également un rôle de première importance dans une affaire diplomatique entre Chine et Corée, appelée chonggye pyŏnmu 宗系辯誣, à savoir une erreur répétée pendant deux siècles sur la généalogie du fondateur du Chosôn, le roi T’aejo (r. 1392-1398), dans les textes officiels Ming. Cette erreur portait sur le nom et donc l’identité même du père du roi qui était confondu avec un personnage soupçonné de régicide sous le Koryŏ. La résolution de cette affaire valut à Hong d’être élevé au rang de « sujet méritant » (kongsin 功臣) avec le titre de prince de Tangnŭng 唐陵府院君. Plusieurs versions de notre histoire de Hong Sunôn donnent par erreur le titre de « prince de Tangsŏng ». C’est le cas de Pak Chiwŏn dans ses « Discussions nocturnes à Yuxia. Sur la figure de Hong, voir Kim 2011.
  9. ^ Wanli (r. 1573-1620) fut le 14e empereur de la dynastie des Ming (1368-1644).
  10. ^ Nom que les Coréens donnaient à Pékin pendant l’époque des Ming.
  11. ^ Littéralement, « son épouse bonne à passer le balai ».
  12. ^ Initialement capitale des Ming, Nankin (litt. « capitale du Sud ») fut rétrogradée au rang de capitale secondaire dans la première moitié du XVe siècle. Elle resta cependant une grande métropole avec un gouvernement parallèle à celui de la nouvelle capitale, Pékin (« capitale du Nord »), pendant la majeure partie de la dynastie des Ming.
  13. ^ Les différentes versions de notre anecdote qui, rappelons-le, circula largement en Corée dès le XVIe siècle divergent ici sur quelques points. Plusieurs versions laissent entendre que cette jeune femme serait originaire de la province du Zhejiang, tandis que d’autres parlent du Sichuan. Certaines ne mentionnent pas le titre de fonctionnaire de son père et racontent qu’elle serait en fait devenue prostituée à la mort de ses deux parents : c’est parce qu’elle n’avait pas assez d’argent pour ramener les corps dans sa terre natale et procéder aux funérailles qu’elle aurait décidé de vendre son corps. Un commentaire tardif de Yi Ik 李瀷 précise enfin que cette jeune femme était d’une famille Shen 沈氏. Voir Kang 2017 : 109-110 et Yi [s.d.] : 23/7b.
  14. ^ [1] La société chinoise des Ming distinguait deux types de personnes : les gens ordinaires (liang 良) et les gens vils (jian 賤). Les prostituées et courtisanes rentraient dans cette seconde catégorie où se rassemblaient tous les groupes marginaux, comme les mendiants, les acteurs et les dépendants. La jeune femme dont il est question dans notre histoire était, d’après Yi Ik, une prostituée au service du gouvernement (guanji 官妓), car c’était le sort réservé aux descendantes de fonctionnaires condamnés. Si les courtisanes (mingji 名妓) et les simples prostituées (waiji 外妓) pouvaient épouser leurs clients (même au sein de l’élite, et ce malgré l’interdiction légale), les prostituées du gouvernement avaient peu de chance de se libérer de leur statut. Quant à la somme de 1000 liang (équivalant à plusieurs mois de salaire d’un haut fonctionnaire), elle était absolument considérable quand on sait qu’une simple prostituée à Pékin coûtait bien moins d’un liang à la fin des Ming. Sur ce sujet, voir Zurndorfer 2011 et Yi [s.d.] : 23/7b.
  15. ^ Shi Xing 石星 (1538-1599). Originaire de la sous-préfecture de Dongming 東明縣, dans la province du Beizhili 北直隷, il fut reçu à l’épreuve du doctorat en 1559. L’essentiel de sa carrière se déroula au sein du gouvernement central à Pékin et à Nankin, mais il est surtout connu pour avoir été ministre de l’Armée dans les dernières années de sa vie (cf. notes 16 et 17, ci-dessous).
  16. ^ Ces cadeaux de tissus avec les caractères bao en 報恩 constituent l’élément central des différentes versions de l’histoire qui nous sont parvenues. Ces dernières diffèrent en revanche sur la date, mais s’accordent à dire que cette rencontre à la demeure de Shi Xing se déroula avant le milieu des années 1580. Cela est toutefois problématique, car Shi Xing ne devint ministre de l’Armée qu’en 1791. Cf. Kang 2017 : 108-110.
  17. ^ Il est fait référence ici aux invasions japonaises de Toyotomi Hideyoshi (1592-1598) qui sont traditionnellement désignées en coréen par l’expression « troubles japonais de l’année imjin (壬辰倭亂, soit 1592) ». Ce fut en réalité un conflit à l’échelle de toute l’Asie orientale, avec la Chine et la Corée d’un côté, le Japon et une minorité d’Européens et d’Asiatiques du Sud-Est de l’autre. Le rôle de la Chine fut essentiel, et Shi Xing occupa le poste de fut ministre de l’Armée jusqu’en 1597, soit pendant presque la totalité du conflit. Notons que les Japonais sont appelés de manière péjorative « pirates japonais » (waegu ), un terme désignant habituellement les auteurs de razzias sur les côtes coréennes et chinoises depuis le XIIIe siècle.
  18. ^ Zheng Shitai 鄭世泰 (fl. 1712-1766) commerça toute sa vie avec les Coréens au moment des ambassades, comme l’avait fait son père avant lui. Il en vint même à exercer un quasi monopole sur les transactions commerciales des Coréens à Pékin, en particulier pour les soieries (qu’il vendait pour plus de 100 000 liang par an dans les années 1730). Mais il s’avère qu’il fit faillite dans les années 1760. Une politique coréenne visant à interdire le port des pièces de brocart (mun’gŭm 紋禁) en 1746 avait mis à mal ses affaires qui périclitèrent ensuite à cause de son fils ou en raison de dettes non honorées par ses acheteurs coréens. Sur ce personnage voir, Hatachi 1981.
  19. ^ Le texte peut laisser entendre qu’il s’agit d’une attirance à caractère sexuelle.
  20. ^ Rappelons que le blanc est traditionnellement la couleur du deuil en Asie orientale.
  21. ^ Il s’agit de 1757, une année chŏngch’u 丁丑 dans le calendrier sexagésimal, qui fut marquée par la mort de deux épouses royales à un mois d’intervalle : la reine Chŏngsŏng 貞聖王后 (1692-1757), première épouse du roi Yŏngjo (r. 1724-1776), et la reine Inwŏn 仁元王后 (1687-1757), une seconde épouse du défunt roi Sukchong (r. 1674-1720).
  22. ^ C’est-à-dire le début d’une période marquée la dégénérescence des mœurs, avec des hommes manquant de loyauté et de sincérité.
  23. ^ Pyŏn Sŭngŏp (1623-1709) réussit le concours des interprètes de japonais en 1645. Il vécut ensuite la majeure partie de sa vie à Pusan, servant d’intermédiaire entre les autorités coréennes et le comptoir japonais (waegwan 倭館). Il participa à une ambassade à Edo en 1682 et effectua de nombreuses ambassades d’interprètes (munwihaeng 問慰行) à Tsushima. Ses activités commerciales hors du cadre réglementé et des pots-de-vin reçus du seigneur de Tsushima lui valurent d’être jugé au Tribunal d’État (Ŭigŭmbu 義禁府) en 1684, et de recevoir une condamnation à un an de servitude pénale. Il semble ensuite avoir quitté ses fonctions d’interprète. Il est resté dans les esprits comme l’homme le plus riche de la Corée à son époque. Sur ce personnage, voir Kim Yangsu 1988.
  24. ^ Konggyŏng 公卿, littéralement « les (trois) ducs et les (neuf) ministres » de l’époque des Printemps et des Automnes, c’est-à-dire les plus hauts dignitaires de l’État. Dans le contexte de la Corée du Chosŏn, le terme renvoie plus précisément aux trois présidents du Grand conseil d’État et aux ministres.
  25. ^ Ce personnage est présenté plus en détail dans la seconde postface de « L’histoire du lettré Hŏ », disponible au téléchargement sur le site du RESCOR (http://www.reseau-etudes-coree.univ-paris-diderot.fr/documents/pak-chiwo...). 
  26. ^ Le passage entre parenthèses est central, mais il n’est mentionné que dans la version dite Jindŏkchae yahwa (cf. introduction). Il est donc souvent omis dans les traductions modernes du texte.
  27. ^ Les Coréens possédaient plusieurs noms. Le nom personnel (myŏng 名) avait un usage officiel, mais était évité par autrui.
 
 
Academy of Korean studies Inalco Université Paris Diderot-Paris 7 EHESS