Compte rendu

Koryǒ saram à Ttaekol maǔl : retour douloureux au lointain « pays d’origine »

Koryǒ saram* à Ttaekol maǔl : retour douloureux au lointain « pays d’origine »

* Koryǒ saram : termes qui désignent la diaspora coréenne d’ex-Union soviétique.

 

 

Travail de terrain de Eunsil Yim

 

 

Ttaekol maǔl, situé dans la ville d’Ansan – de la région de Kyǒngki –, est considéré aujourd’hui comme le quartier des Koryǒ saram avec ses 2 000 habitants venus d’anciennes républiques soviétiques. Bien qu’ils appartiennent à la catégorie de « diaspora » coréenne, ces Koryǒ saram ne possèdent pas le statut juridique de « compatriotes d’outre-mer » (chaeoe tongp’o) et subissent la même discrimination que les autres travailleurs étrangers venant des pays économiquement moins développés que la Corée du Sud. Ils travaillent 10 à 12 heures par jour pour un salaire moyen atteignant à peine les 1 000 000 won (env. 900 euros) et sont victimes, le plus souvent, de salaires impayés et de mauvais traitements. Le cadre juridique contraignant n’autorisant qu’un séjour temporaire (allant de 2 à 5 ans au maximum) oblige nombre d’entre eux à passer dans la clandestinité à l’expiration de leur visa. Aussi, le fait de ne pas savoir parler la langue coréenne rend encore plus difficile l’insertion dans la vie quotidienne et accentue le traitement discriminatoire à leur égard.

 

S’ajustant au rythme de vie de ses habitants, Ttaekol maǔl s’est peu à peu transformé. Lorsque l’on se promène dans les rues centrales, on aperçoit des cafés et restaurants tenus par des Koryǒ saram et des enseignes de commerçants en langues russe ou encore des magasins d’alimentation étalant des produits d’importation russe (vodka, saucisses, cornichons, etc.). L’effet de dépaysement est tel que l’on croirait être transporté dans un des pays dont la plupart des habitants du quartier sont originaires, l’Ouzbékistan, la Russie ou le Kazakhstan.

 

Durant l’enquête de terrain menée en juillet 2014 à Ttaekol maǔl, l’attention particulière a été accordée à une association, appelée Nŏmŏ – mot coréen signifiant littéralement « au-delà » – qui, depuis sa création en 2007, mène plusieurs activités, principalement orientées vers l’organisation de cours du soir de coréen et l’aide en interprétariat russo-coréen. Cette enquête a permis de comprendre le rôle d’une association dans le maintien d’une solidarité communautaire des Koryǒ saram – puisqu’elle offre des occasions de rassemblement en organisant des événements, comme le « festival de Koryǒ saram ». Elle a aussi permis de s’interroger plus généralement sur les conditions pratiques dans lesquelles ces Koryǒ saram appréhendent et vivent le retour douloureux en tant que travailleurs étrangers au lointain « pays d’origine ».

 

Photo 1) Chez Igor et Nelli : Igor ouvrant une bouteille de vin importée de Moldavie et Nelli servant les « pelmeni » (raviolis russes), Ttaekol maǔl, Ansan, Corée du Sud, juillet 2014.

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Chez Igor et Nelli : Igor ouvrant une bouteille de vin importée de Moldavie et Nelli servant les « pelmeni » (raviolis russes), Ttaekol maǔl, Ansan, Corée du Sud, juillet 2014.

 

Photo 2)  L’association Nǒmǒ, cours du soir, Ttaekol maǔl, Ansan, Corée du Sud, juillet 2014.

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L’association Nǒmǒ, cours du soir, Ttaekol maǔl, Ansan, Corée du Sud, juillet 2014.

 

Photo 3)  Un couple de Koryǒ saram venu de Tachkent vendant des plats ouzbeks devant l’entrée de l’association Nǒmǒ, Ttaekol maǔl, Ansan, Corée du Sud, juillet 2014.

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Un couple de Koryǒ saram venu de Tachkent vendant des plats ouzbeks devant l’entrée de l’association Nǒmǒ, Ttaekol maǔl, Ansan, Corée du Sud, juillet 2014.

 

Source : Carnets du Centre Corée

 

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Academy of Korean studies Inalco Université Paris Diderot-Paris 7 EHESS