Compte rendu

HAN Sung hee, « Les femmes immigrées par mariage : catégorisation et conséquences »

Durant l’année universitaire 2017-2018, j’ai réalisé, dans le cadre de mon master 2 de recherche, une enquête de terrain  au  mois  d’avril  2018,  à  Séoul.  Cette  recherche  avait  pour  but d’étudier la catégorisation « des femmes immigrées par mariage » à travers les différents récits relatant le vécu et les  expériences  de  femmes  immigrées  mariées  à  des  hommes  coréens.  Cette recherche a tout d’abord débuté par curiosité. Suite à un rapport d’étude de l’ONU en 2014 sur la question du racisme en Corée du Sud, j’ai voulu entreprendre des recherches pour  comprendre l’origine de cette intolérance envers les étrangers dans la société coréenne. Il  était  donc nécessaire de trouver des réponses ou d’apporter un début de réponse à certaines questions : Lorsqu’on parle de tolérance envers les étrangers, de qui parle-t-on ? Comment les identifier ? Qui est désigné en tant qu’étranger ? Est-ce qu’être étranger dans la société coréenne repose sur la différence physique ? Ethnique ? Culturelle ? Ou sociale ? En conséquence,  quelles  sont  les figures de l’altérité ? Cette dernière est-elle à l’origine des discriminations ? Quels liens peut-on établir entre  l’altérité  et  les  expériences  de  discriminations ?  Pour  finir,  quelles  sont   les formes de discriminations ? Comment sont-elles vécues par les personnes concernées ?

Afin de lancer mon enquête de terrain et de réaliser des entretiens, j’ai contacté plusieurs associations : « Centre Mondial » (Global Center) et des « Centres d’aide pour les familles multiculturelles » (Tamunhwa kajok chiwôn sent’ô). Parmi elles, j’ai reçu une réponse favorable de la part du « Centre de recherche pour la protection des droits des femmes immigrées en Corée » (Han’guk iju yôsông inkwôn sent’ô) et cela m’a permis de réaliser ma première enquête de terrain. Les trois objectifs de ce centre sont la protection des droits des femmes immigrées lorsqu’elles sont victimes de violence et/ou de discriminations, la mise en place de plusieurs activités éducatives et culturelles afin qu’elles puissent gagner en autonomie et être indépendantes dans la société. Enfin, ce centre réalise des études sur les immigrées et propose des actions afin de promouvoir les droits de ces dernières, dans une démarche qui s’inscrit plus globalement dans une politique de protection des droits de l’Homme.

Cette expérience d’un mois en tant que bénévole m’a permis de participer à des cours dispensés par un conseiller et expert en lutte contre les violences sexuelles ou encore de me familiariser avec le mode de vie et les divers problèmes rencontrés par des femmes immigrées.

Banderole de la « Formation de conseiller expert en lutte contre les violences sexuelles 2018 » au centre de recherche pour la protection des droits des femmes immigrées en Corée. (Photo prise par HAN Sung hee, 13 avril 2018)

Par la suite, j’ai pu rencontrer différentes femmes immigrées mariées à des hommes coréens avec lesquelles j’ai mené des entretiens plus approfondis. Ainsi, l’une de ces femmes m’a parlé d’une bibliothèque pour les familles multiculturelles appelée Modu tosôgwan (Modoo doseogwan) – que l’on peut traduire en  français   par  « Bibliothèque pour tous »  – où les enfants issus de familles multiculturelles peuvent bénéficier de certains programmes et où ils peuvent également emprunter des   livres  en  coréen et en d’autres langues (Népalais, Mongole,    Russe,    Bangladesh, Vietnamien, Iranien, Indonésien, Japonais, Chinois, Thaïlandais et Philippin).

À travers mes deux enquêtes de terrain et les huit entretiens  effectués  parallèlement,  j’ai  pu  étudier la construction de la catégorie « femmes immigrées par mariage » ainsi que le processus de stéréotypisation de cette catégorie et ses conséquences sur le plan individuel pour les femmes concernées. D’après les entretiens semi-directifs et les discussions informelles avec les  interviewées,  une  récurrence  d’éléments  apparaît  clairement : la naturalisation, l’apprentissage de la langue, le travail et les enfants. Tout d’abord, j’ai pu constater que la majorité de ces femmes immigrées s’étaient mariées à des hommes coréens par l’intermédiaire d’un ami ou d’un membre de leur famille (mariage arrangé). De plus, à travers les entretiens, j’ai pu remarquer que toutes leurs décisions sont prises en fonction de leurs enfants. Ainsi, les raisons de leur naturalisation sont diverses et variées mais elles évoquent avant tout le bien de leurs enfants. Elles ont également envie d’apprendre, de maîtriser la langue coréenne et de trouver un travail afin de ne pas être méprisées par leurs enfants et par les autres.

En cliquant sur la rubrique “Immigré(e) marié(e)” sur le site internet de services de soutien aux familles multiculturelles « Tanuri » en version coréenne, nous trouvons quatre programmes : apprentissage de la langue coréenne, travail, grossesse et éducation des enfants et, enfin, consultations par des professionnels. (Capture d’écran issue du site, 23 mai 2018, HAN Sung hee)

En effet, les résultats des entretiens montrent qu’une femme immigrée mariée à un coréen se considère à la fois comme femme immigrée mariée à un coréen mais aussi comme mère d’un enfant de famille multiculturelle. L’étude de la catégorisation des «  femmes immigrées par mariage » et  ses conséquences sont donc à prendre en compte à travers les récits et les expériences de ces femmes immigrées mariées à des hommes coréens, afin de saisir de manière précise et exacte les aspects complexes d’une société qui s’ouvre au multiculturalisme.

HAN Sung hee
Master 2 Sociologie et anthropologie: politique, culture, migrations
Spécialité Recherche Migrations et relations interethniques (MIRI)
Université Paris 7 – Paris Diderot
Boursière du RESCOR 2017

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Academy of Korean studies Inalco Université Paris Diderot-Paris 7 EHESS