Atelier de traduction : 예덕선생전(穢德先生傳)

Texte original:

德先生

 

蟬橘子有友曰穢德先生。在宗本塔東,日負里中糞,以爲業。里中皆稱嚴行首。行首者,役夫老者之稱也。嚴其姓也。子牧問乎蟬橘子曰:“昔者,吾聞友於夫子曰:‘不室而妻,匪氣之弟。’友如此其重也。世之名士大夫,願從足下遊於下風者多矣。夫子無所取焉。夫嚴行首者,里中之賤人役夫,下流之處而恥辱之行也。夫子亟稱其德曰先生。若將納交而請友焉,弟子甚羞之,請辭於門。” 蟬橘子笑曰:“居,吾語若友。里諺有之曰:‘醫無自藥,巫不己舞。’人皆有己所自善,而人不知,愍然若求聞過。徒譽則近諂而無味,專短則近訐而非情。於是泛濫乎其所未善,逍遙而不中,雖大責不怒,不當其所忌也。偶然及其所自善,比物而射其覆,中心感之,若爬癢焉。爬癢有道,拊背無近腋,摩膺毋侵項。成說於空,而美自歸,躍然曰:‘知’。如是而友可乎?” 子牧掩耳卻走曰:“此夫子敎我以市井之事,傔僕之役耳。” 蟬橘子曰:“然則子之所羞者,果在此而不在彼也。夫市交以利,面交以諂。故雖有至懽,三求則無不踈,雖有宿怨,三與則無不親。故以利則難繼,以諂則不久。夫大交不面,盛友不親。但交之以心,而友之以德,是爲道義之交。上友千古而不爲遙,相居萬里而不爲疎。彼嚴行首者,未甞求知於吾,吾常欲譽之而不厭也。其飯也頓頓,其行也伈伈,其睡也昏昏,其笑也訶訶,其居也若愚。築土覆藁而圭其竇,入則蝦脊,眠則狗喙。朝日煕煕然起,荷畚入里中除溷。歲九月天雨霜,十月薄氷,圊人餘乾,皁馬通,閑牛下,塒落鷄,狗鵝矢,笠豨苓,左盤龍,翫月砂,白丁香,取之如珠玉。不傷於廉,獨專其利,而不害於義,貪多而務得,人不謂其不讓。唾掌揮鍬,磬腰傴傴,若禽鳥之啄也。雖文章之觀,非其志也。雖鍾皷之樂,不顧也。夫富貴者,人之所同願也。非慕而可得,故不羡也。譽之而不加榮,毁之而不加辱。枉十里蘿蔔,箭串菁,石郊茄蓏水瓠胡瓠,延禧宮苦椒蒜韭葱薤,靑坡水芹,利泰仁土卵,田用上上,皆取嚴氏糞。膏沃衍饒,歲致錢六千。朝而一盂飯,意氣充充然,及日之夕,又一盂矣。人勸之肉則辭曰:‘下咽則蔬肉同飽矣,奚以味爲?’。勸之衣則辭曰:‘衣廣袖不閑於體,衣新不能負塗矣。’歲元日朝,始笠帶衣屨,遍拜其隣里,還乃衣故衣,復荷畚入里中。如嚴行首者,豈非所謂穢其德而大隱於世者耶 ? 傳曰:‘素富貴行乎富貴,素貧賤行乎貧賤。’夫素也者定也。詩云:‘夙夜在公,寔命不同。’命也者分也。夫天生萬民,各有定分,命之素矣。何怨之有?食蝦醢,思鷄子,衣葛羨衣紵。天下從此大亂,黔首地奮,田畝荒矣。陳勝,吳廣,項籍之徒,其志豈安於鋤耰者耶?易曰:‘負且乘致寇’,至其此之謂也。故苟非其義,雖萬鍾之祿,有不潔者耳。不力而致財,雖埒富素封,有臭其名矣。故人之大往飮珠飯玉,明其潔也。夫嚴行首負糞擔溷以自食,可謂至不潔矣。然而其所以取食者至馨香。其處身也至鄙汚,而其守義也至抗高。推其志也,雖萬鍾可知也。繇是觀之,潔者有不潔,而穢者不穢耳。故吾於口體之養,有至不堪者,未甞不思其不如我者,至於嚴行首無不堪矣。苟其心無穿窬之志,未甞不思嚴行首。推以大之,可以至聖人矣。故夫士也窮居,達於面目恥也。旣得志也,施於四體恥也。其視嚴行首,有不忸怩者幾希矣。故吾於嚴行首師之云乎,豈敢友之云乎?故吾於嚴行首,不敢名之,而號曰穢德先生。”

Traduction(s)

L’histoire de maître Yedôk

Texte original

Traduction

德先生

 

蟬橘子有友曰穢德先生。在宗本塔東,日負里中糞,以爲業。里中皆稱嚴行首。行首者,役夫老者之稱也。嚴其姓也。子牧問乎蟬橘子曰:“昔者,吾聞友於夫子曰:‘不室而妻,匪氣之弟。’友如此其重也。

L’histoire de maître Yedǒk

 

Sŏn’gyulcha avait un ami dénommé maître Yedŏk. Ce dernier résidait à l’est de la pagode Chongbon[A1] où il vivait de la collecte et du transport quotidien des excréments du voisinage. Tous les habitants du quartier l’appelaient le capiston Ŏm. Un « capiston » désigne un portefaix d’un âge avancé, et Ŏm son patronyme[A2]

 

Chamok demanda un jour à Sŏn’gyulcha :

« Voilà quelque temps, je vous ai entendu dire qu’un ami est “une femme avec qui on ne vit pas ensemble et un frère dont on ne partage pas le même souffle[A3]”. Telle est donc l’importance d’un ami.

 

世之名士大夫,願從足下遊於下風者多矣。夫子無所取焉。夫嚴行首者,里中之賤人役夫,下流之處而恥辱之行也。夫子亟稱其德曰先生。若將納交而請友焉,弟子甚羞之,請辭於門。” 蟬橘子笑曰:“居,吾語若友。里諺有之曰:‘醫無自藥,巫不己舞。’人皆有己所自善,而人不知,愍然若求聞過。徒譽則近諂而無味,專短則近訐而非情。

Nombreux sont les lettrés-fonctionnaires[A4] de renom qui voudraient vous suivre et étudier sous votre aile, mais vous n’en acceptez aucun. Quant à Ŏm, c’est un vil portefaix du quartier. Il est tombé si bas qu’il se trouve réduit aux tâches les plus abjectes[A5]. Vous ne cessez cependant de louer ses vertus en l’appelant “maître”. Si vous cherchez à devenir son ami, j’en éprouverai une grande honte et demanderai la permission de quitter le rang de vos disciples. »

 

– Assieds-toi, lui dit Sŏn’gyulcha en souriant. Je vais t’expliquer ce qu’est un ami. Un dicton rapporte la chose suivante : “Un médecin ne se prescrit pas de remède et une chamane ne danse pas pour elle-même”. Toute personne éprouve de la peine lorsque les gens ne reconnaissent pas les talents qu’elle croit posséder. Aussi fait-elle mine de s’enquérir de ses propres erreurs. Mais la couvrir d’éloges mène à la flatterie qui est insipide, et pointer ses seuls défauts conduit au dénigrement qui est apathique.

 

於是泛濫乎其所未善,逍遙而不中,雖大責不怒,不當其所忌也。偶然及其所自善,比物而射其覆,中心感之,若爬癢焉。爬癢有道,拊背無近腋,摩膺毋侵項。成說於空,而美自歸,躍然曰:‘知’。如是而友可乎?”

子牧掩耳卻走曰:“此夫子敎我以市井之事,傔僕之役耳。”

Par conséquent, toute allusion à des faiblesses sans les mentionner explicitement ne suscite aucune colère, même après de sévères reproches, les sujets à mécontentement n’étant pas soulevés.

Mais l’évocation accidentelle de certains mérites par le biais d’une comparaison ou d’un jeu de devinettes est à même de toucher cette personne en son for intérieur, comme si on lui soulageait ses démangeaisons. Or il existe bien une méthode pour apaiser de telles incommodités : il ne faut pas s’approcher des aisselles quand on tapote sur le dos, et ne pas remonter vers le cou lorsqu’on frictionne la poitrine. Des paroles en l’air suscitent inévitablement des louanges qui font tressaillir de joie tout interlocuteur et l’amènent à se dire : “voilà quelqu’un qui me connaît”. Mais est-il bien acceptable de se faire des amis de la sorte ? »

 

Chamok se boucha les oreilles et dit en reculant de quelques pas :

 

« Maître, vous cherchez à m’instruire avec des histoires de marchands et les besognes de pauvres laquais ! »

 

蟬橘子曰:“然則子之所羞者,果在此而不在彼也。夫市交以利,面交以諂。故雖有至懽,三求則無不踈,雖有宿怨,三與則無不親。故以利則難繼,以諂則不久。夫大交不面,盛友不親。但交之以心,而友之以德,是爲道義之交。上友千古而不爲遙,相居萬里而不爲疎。

Sŏn’gyulcha lui rétorqua :

 

« Mais alors, ce que tu trouves honteux, c’est bien cela et pas autre chose. Les transactions au sein d’un marché reposent généralement sur la recherche du profit, et les relations entre deux personnes sur la flatterie. Une demande réitérée trois fois ne peut qu’éloigner deux amis, aussi intimes soient-ils. Mais une aide apportée trois fois rapproche inévitablement deux personnes, même si elles entretiennent une rancune invétérée. Ceci explique pourquoi les relations bâties sur la quête de profits sont difficiles à maintenir, et que celles nourries de flatterie ne sauraient perdurer. Or la plus sincère des relations subsiste en l’absence de rencontres, et le meilleur des amis reste dévoué par-delà l’éloignement[A6]. Il suffit de se lier par le cœur[A7] et de fonder toute amitié sur la vertu pour qu’en découle une relation noble et désintéressée. Un ami de longue date n’est alors jamais loin, tout comme un ami résidant à une distance de dix-mille lis[A8]

 

 

彼嚴行首者,未甞求知於吾,吾常欲譽之而不厭也。其飯也頓頓,其行也伈伈,其睡也昏昏,其笑也訶訶,其居也若愚。築土覆藁而圭其竇,入則蝦脊,眠則狗喙。朝日煕煕然起,荷畚入里中除溷。歲九月天雨霜,十月薄氷,圊人餘乾,皁馬通,閑牛下,塒落鷄,狗鵝矢,笠豨苓,左盤龍,翫月砂,白丁香,取之如珠玉。

Ce vieux capiston n’a jamais cherché à faire ma connaissance. Pourtant, je ne taris pas d’éloges sur sa personne : il mange avec appétit, agit prudemment, dort à poings fermés, rit à gorge déployée et vit comme un simple d’esprit[A9]. Il a construit une hutte en pisé recouverte de paille et creusé un petit trou pour lui servir d’entrée ; il s’y faufile telle une crevette[A10] et dort recroquevillé comme un chien. Il se réveille ensuite tout frais le matin et parcourt le quartier, une hotte dans le dos, pour vider les fosses d’aisance. Bravant la pluie et les gelées du 9e mois, puis les premières glaces du 10e mois, il ramasse les résidus d’excréments dans les latrines, le crottin de cheval dans les écuries, la bouse de vache dans les étables, les fientes de volaille dans les poulaillers, l’étron de chien et le caca d’oie, le lisier de porc, la fiente de pigeon, la crotte de lapin et la chiure de moineau, et il considère toutes ces déjections comme aussi précieuses que des perles ou du jade[A11]

 

不傷於廉,獨專其利,而不害於義,貪多而務得,人不謂其不讓。唾掌揮鍬,磬腰傴傴,若禽鳥之啄也。雖文章之觀,非其志也。雖鍾皷之樂,不顧也。夫富貴者,人之所同願也。非慕而可得,故不羡也。譽之而不加榮,毁之而不加辱。

De tels actes ne jettent aucun discrédit sur sa probité, tout porté qu’il est à la recherche du profit. Sa tâche ne nuit pas à sa droiture, insatiable qu’il est dans ses ambitions. Personne n’oserait lui reprocher de ne pas faire de concessions. Il crache dans ses mains et remue la terre de sa bêche, le dos voûté en équerre[A12], comme un oiseau en train de picorer. Il ne recherche pas la beauté des textes littéraires et n’affectionne pas davantage la musicalité des cloches et des tambours. La richesse et les honneurs sont des aspirations que partagent tous les hommes, mais on ne saurait y accéder par le simple fait de les convoiter. Aussi notre capiston n’éprouve-t-il aucun désir. Les éloges ne lui rapportent aucune gloire, et les critiques ne lui causent pas la moindre humiliation.

 

 

枉十里蘿蔔,箭串菁,石郊茄蓏水瓠胡瓠,延禧宮苦椒蒜韭葱薤,靑坡水芹,利泰仁土卵,田用上上,皆取嚴氏糞。膏沃衍饒,歲致錢六千。朝而一盂飯,意氣充充然,及日之夕,又一盂矣。人勸之肉則辭曰:‘下咽則蔬肉同飽矣,奚以味爲?’。勸之衣則辭曰:‘衣廣袖不閑於體,衣新不能負塗矣。’

Le radis de Wangsimni, le navet de Chŏn’gwan, l’aubergine, la courge[A13], la pastèque et la courgette de Sŏkkyo, le piment, l’ail, la ciboule, le poireau et l’échalote du palais Yŏnhŭi, l’œnanthe[A14] Ch’ŏngp’a, et enfin le taro d’Itaein[A15] sont cultivés dans les meilleurs champs qui, tous, sont bonifiés par le fumier de ce brave Monsieur Ŏm[A16]. Ces sols fertiles donnent d’abondantes récoltes et génèrent pour lui des revenus allant jusqu’à six mille chŏn par an[A17]

Pourtant, il se contente le matin d’un bol de riz grâce auquel il déborde d’énergie, puis d’un autre au coucher du soleil. À ceux qui lui suggèrent de manger de la viande, il refuse en ces termes : “Du moment que cela descend par le gosier, les légumes et la viande remplissent pareillement la panse. Pourquoi y mettrais-je du goût ?” À d’autres qui lui conseillent de mieux se vêtir, il réplique : “Les vêtements avec d’amples manches entravent les mouvements du corps, et les habits neufs ne conviennent pas à la collecte des impuretés”.

 

歲元日朝,始笠帶衣屨,遍拜其隣里,還乃衣故衣,復荷畚入里中。如嚴行首者,豈非所謂穢其德而大隱於世者耶 ? 傳曰:‘素富貴行乎富貴,素貧賤行乎貧賤。’夫素也者定也。詩云:‘夙夜在公,寔命不同。’

Ce n’est qu’au matin du premier jour de l’an qu’il se couvre d’un chapeau, enserre ses vêtements d’une ceinture et porte des sandales. Il va ainsi présenter ses respects à tous les habitants du quartier, puis rentre enfiler ses vieilles guenilles et revient sa hotte sur le dos. Comment ne pas voir dans le vieil Ŏm ce qu’il convient d’appeler une personne ayant entaché sa vertu pour vivre le grand retrait du monde[A18] ?  

 

[L’invariable milieu] rapporte que “Dans les richesses et les honneurs, l’homme de bien agit comme il convient à un homme riche et honoré. Mais dans la pauvreté et l’abjection, il agit comme il con­vient à un homme pauvre et méprisé[A19]”. L’expression comme il convient signifie que les choses sont ainsi déterminées. Le Classique des poèmes dit pour sa part que “Le matin et le soir, nous sommes au palais où notre destin est différent [de celui de la princesse][A20]

 

命也者分也。夫天生萬民,各有定分,命之素矣。何怨之有?食蝦醢,思鷄子,衣葛羨衣紵。天下從此大亂,黔首地奮,田畝荒矣。陳勝,吳廣,項籍之徒,其志豈安於鋤耰者耶?易曰:‘負且乘致寇’,至其此之謂也。

Le terme destin indique ici que tout individu est distinct des autres. Le Ciel engendre tous les êtres et assigne à chacun un sort bien déterminé qui est donc conforme à son destin. De quoi faudrait-il alors se plaindre ? Mais goûter de la saumure de crevette donne envie de manger des œufs, et porter des habits en toile de puéraire suscite le désir de vêtements confectionnés en ramie[A21]. C’est ainsi que le monde se trouve plongé dans le chaos, le peuple en révolte et les champs laissés à l’abandon. Comment les partisans de Chen Sheng, Wu Guang et Xiang Ji pourraient-ils avoir la seule ambition de labourer paisiblement la terre, munis de houes et de herses[A22]? C’est bien ce à quoi le Livre des mutations fait référence lorsqu’il dit : “Un porteur se déplaçant en char attire les voleurs[A23]”.

 

故苟非其義,雖萬鍾之祿,有不潔者耳。不力而致財,雖埒富素封,有臭其名矣。故人之大往飮珠飯玉,明其潔也。夫嚴行首負糞擔溷以自食,可謂至不潔矣。

然而其所以取食者至馨香。其處身也至鄙汚,而其守義也至抗高。推其志也,雖萬鍾可知也。繇是觀之,潔者有不潔,而穢者不穢耳。故吾於口體之養,有至不堪者,未甞不思其不如我者,至於嚴行首無不堪矣。

Toute rémunération injuste, se monterait-elle à dix-mille mesures de grain, entache donc la probité de son bénéficiaire,et toute fortune amassée sans efforts laisse une réputation exécrable, même à un homme riche comme un grand propriétaire terrien. Voilà pourquoi la perle de jade placée dans la bouche d’un défunt[A24] lors de son grand départ vers l’au-delà permet de restaurer sa probité. 
On peut dire du capiston qu’il a atteint le sommet de l’impureté en collectant tous ces excréments qui lui permettent d’assurer sa subsistance[A25]. Et pourtant, il n’y a là rien de plus odoriférant. Ses conditions de vie sont hautement répugnantes, mais sa rectitude est des plus nobles. On peut aisément deviner ses ambitions même s’il possédait dix-mille mesures de grains. Vu sous cet angle, la pureté possède une part d’impureté, et l’immondice n’est inversement pas si fétide. Aussi ne puis-je m’empêcher de songer aux êtres plus malheureux que moi lorsque surviennent de grandes difficultés pour subvenir à mes besoins ; et si c’est le vieil Ŏm qui me vient à l’esprit, je deviens alors capable de tout endurer.

苟其心無穿窬之志,未甞不思嚴行首。推以大之,可以至聖人矣。故夫士也窮居,達於面目恥也。旣得志也,施於四體恥也。其視嚴行首,有不忸怩者幾希矣。故吾於嚴行首師之云乎,豈敢友之云乎?故吾於嚴行首,不敢名之,而號曰穢德先生。”

À moins d’avoir le cœur à commettre un vol[A26], il s’avère bien difficile de ne pas nourrir une pensée à son égard. Il ne suffirait plus ensuite qu’à étendre ces principes pour pouvoir atteindre la sainteté[A27]

 

Pour un lettré vivant dans la misère, il est honteux de laisser transparaître l’infortune sur son visage. Et lorsqu’un autre assouvit ses ambitions[A28], il est tout aussi indigne de donner à voir cette réussite dans ses faits et gestes. Bien rares sont donc ceux qui n’étoufferaient pas de honte en se comparant à notre capiston. C’est la raison pour laquelle je considère le vieil Ôm comme mon maître. Comment oserais-je l’appeler “mon ami” ? Je ne m’aviserai donc pas de le désigner par son nom, mais par le titre de “Maître Yedŏk, la vertu des immondices”. »

 

Notes

  1. ^ Voir introduction.
  2. ^ L’argot militaire « capiston » sert à rendre le mot haengsu (ou hangsu) 行首. Ce terme désignait pendant le Koryŏ et le Chosŏn certains officiers assurant la protection du roi et de la reine. Plus généralement, ce mot aujourd’hui désuet renvoyait à un chef ou commandant d’un groupe de personnes. 
  3. ^ La citation est tirée d’un poème de Yi Tŏngmu, écrit dans sa jeunesse vers l’âge de 20 ans. Le texte est conservé dans une anthologie de textes et de poèmes de différents auteurs, compilée par un certain Yun Kwangsim  尹光心 en 1775 (Pyŏngse chip, kwŏn 2, « Yi Tŏngmu, Chŏgŏnch’an, Ch’an chi ch’il kanyu 適言讚,讚之七簡遊 »). En termes néo-confucéens mais aussi taoïstes, on disait des frères et des sœurs qu’ils étaient des personnes « partageant le même souffle » (ou « la même essence vitale », tonggi 同氣). Le ki 氣 désigne les souffles yin et yang qui animent le corps humain. Dans un contexte occidental, on aurait plutôt traduit par « un frère dont on partage le même sang ».
  4. ^ Sadaebu 士大夫. Ce terme importé de la Chine des Song (960-1279) désigna tout d’abord les hauts fonctionnaires à l’époque du Koryŏ. Si ce sens fut conservé en Chine jusqu’aux Qing, il évolua cependant au début du Chosŏn pour désigner tous les fonctionnaires en poste ou précédemment titulaire d’une charge, et plus généralement la classe des lettrés, d’où notre traduction de « lettré-fonctionnaire ».
  5. ^ Cette phrase évoque un passage des Entretiens de Confucius : « C’est pourquoi l’homme de bien craint tant de tomber si bas : toute l’ordure du monde s’y accumule » (是以君子惡居下流,天下之惡皆歸焉). Cf. Lunyu, XIX.20 (Zizhang子張).
  6. ^ À l’époque du Chosŏn, les lettrés entretenaient volontiers des relations avec leurs amis via une correspondance écrite. C’était également le cas des femmes lorsque celles-ci savaient écrire. Pak Chiwŏn et Yi Tŏngmu avaient par exemple échangé une correspondance pendant plusieurs années avant de se rencontrer pour la première fois. Pak Chiwŏn commença d’ailleurs en 1768 à développer un réseau d’amis appelés à devenir les membres de l’école des savoirs du Nord (Pukhak 北學) et tous fils d’épouses secondaires : Yi Tŏngmu, Pak Chega et Yu Tŭkkong. Ces derniers échangèrent de nombreuses lettres dans les années suivantes, et développèrent même des relations amicales, puis épistolaires avec des Chinois rencontrés à Pékin. Cf. Kim Haboush 2009 : 184-215.
  7. ^ Sim 心, terme souvent traduit par « esprit » ou « cœur-esprit ». Il s’agit d’un concept de première importance dans le néoconfucianisme.
  8. ^ Le li était une mesure itinéraire, variable selon les époques et les régions du monde sinisé, et valait environ 400 mètres dans la Corée du XVIIIe siècle. D’une manière plus générale, les « dix-mille lis » symbolisent une très longue distance.
  9. ^ Une expression dit qu’un « être de grande sagesse a l’air d’un simple d’esprit » (taeji yagu 大智若愚), car la sagesse ne se montre pas.
  10. ^ Cette référence à la crevette s’explique par sa présence abondante dans les eaux bordant la péninsule coréenne et l’existence d’un nombre non négligeable de dictons en coréen sur ce crustacé. Il renvoie notamment à l’idée d’un être faible.
  11. ^ Toutes ces matières fécales servaient naturellement d’engrais, mais certaines avaient aussi d’autres usages. Les fientes de pigeon et de moineau, ainsi que les crottes de lapin servaient (et servent toujours) dans la pharmacopée chinoise et coréenne pour diverses préparations. On notera par ailleurs que les quatre dernières catégories de déjections citées sont présentées en coréen avec des termes poétiques que nous avons préféré conserver dans cette note. Le lisier de porc est ainsi appelé le « pachyme chapelé » (iphŭiryŏng 笠豨苓. Les sinogrammes hŭiryŏng désignent un champignon parasite de la famille des Polyporaceae – utilisé dans la pharmacopée – qui peut avoir la forme d’un excrément ; le caractère hǔi 豨 désigne le porc ou le sanglier). La fiente de pigeon est désignée par le « dragon tournoyant vers la gauche » (chwaballyong 左盤龍), la crotte de lapin par les « cailloux contemplés sur la Lune » (wanwŏlsa 翫月砂 ; une légende chinoise raconte qu’un « lièvre de jade » yutu 玉兔 résidait dans cet astre) et la chiure de moineau par son appellation courante de « giroflier » (paekchŏnghyang 白丁香).
  12. ^ Littéralement « vouté comme une pierre musicale ». Ces pierres en forme d’équerre étaient suspendues par un fil sur une sorte de carillon (p’yŏn’gyŏng 編 磬) et mises en vibration au moyen d’un marteau feutré. 
  13. ^ Na 蓏, littéralement « cucurbitacée ». Plusieurs traducteurs rendent ce terme générique par « concombre ».
  14. ^ Plus précisément, l’œnanthe javanica qui est appelée en coréen moderne minari 미나리.
  15. ^ Les différents toponymes cités se trouvaient à l’époque en dehors des murailles de Séoul : les trois premiers à l’est et les trois derniers à l’ouest et sud-ouest (voir carte de la ville en introduction). Wangsimni et Ch’ŏngp’a existent encore aujourd’hui. Ch’ŏn’gwan désigne le quartier de Ttkusŏm (arr. de Kwangjin) et Sŏkkyo celui de Sŏkkwan (arr. de Sŏngbuk). It’aein est une appellation alternative d’It’aewŏn (arr. de Yongsan). Quant au palais Yŏnhŭi (arr. de Sŏdaemun), il servit de résidence à certains membres de la famille royale au XVe siècle avant de disparaître et de ne laisser qu’un nom.
  16. ^ À l’époque du Chosŏn, les champs étaient répartis en trois catégories selon leur qualité : supérieure (sang 上), intermédiaire (chung 中) et médiocre (ha 下). Chaque catégorie était à son tour subdivisée en trois, ce qui donnait neuf degrés sur lesquels était basé l’impôt. Les « meilleurs champs » étaient dits sang sang chŏn 上上田, comme c’est le cas dans notre histoire.
  17. ^ 6000 chŏn 錢 (ou 600 nyang 兩) était un salaire annuel considérable pour un homme du commun. En 1768, un boisseau de riz coûtait 20 chŏn, et au XVIIIe siècle un bon cheval valait en moyenne 400 chŏn, une maison avec un toit de chaume 1000 chŏn, et une maison à toit de tuiles 2000 chŏn. Cf. La Shure 2018 : 168, n. 9.
  18. ^ Taeŭn ŏ se 大隱於世. L’expression, qu’on fait remonter à la célèbre figure de Tao Yuanming 陶淵明 (365-427), désigne moins le simple érémitisme dans la montagne que la faculté à vivre dans le siècle et à obtenir la quiétude tout en demeurant au sein d’un marché bruyant.
  19. ^ L’invariable milieu (Zhongyong 中庸) était l’un des quatre Classiques confucéens (sishu 四書), à côté des Entretiens de Confucius (Lunyu 論語), de la Grande étude (Daxue 大學) et du Mencius (Mengzi 孟子). Notre traduction est légèrement adaptée de celle de Séraphin Couvreur (1913 : vol. II, 438).
  20. ^ Le Classique des poèmes (Shijing 詩經) fait partie des cinq livres canoniques (wujing 五經), c’est-à-dire des ouvrages mis plus ou moins sous le patronage de Confucius. Le passage mentionné décrit les compagnes d’une princesse, contentes d’un rang inférieur, qui prennent et quittent leur service le soir et le matin. Notre traduction est encore une fois adaptée de celle de Couvreur (1896 : 25).
  21. ^ La toile de puéraire est grossière alors que celle en ramie est plus fine et soyeuse.
  22. ^ Chen Sheng 陳勝, Wu Guang 吳廣 et Xiang Ji 項籍 furent les trois principaux meneurs d’insurrections contre la dynastie des Qin juste après la mort de son Premier empereur (r. 221-210 AEC) qui avait pour la première fois unifié la Chine. La tyrannie de ce souverain, exécutant tous ses opposants et déportant l’ancienne noblesse, lui avait valu le mécontentement populaire et la haine des milieux lettrés. La dynastie s’effondra quelques années plus tard, en 206.
  23. ^ Explication de l’hexagramme 40 du Livre des mutations (Yijing 易經), ce célèbre corpus de divination de la Chine antique. Les commentateurs du texte évoquent l’idée qu’un homme du commun profitant des biens de personnages éminents suscite la convoitise des voleurs. Il faut donc se satisfaire de sa place dans la société.
  24. ^ Ŭmju panok 飮珠飯玉, litt. « une perle comme boisson, du jade comme nourriture ». Il s’agit d’un rite appelé panham 飯含 (chi. fanhan), « nourrir et remplir la bouche », qui consiste à déposer une perle de jade et des grains de riz dans la bouche du défunt au moment des funérailles.
  25. ^ Jeu de mot avec le caractère kyŏl 潔 qui désigne aussi bien la propreté et la pureté que la probité.
  26. ^ Littéralement « sauter ou percer un mur afin de commettre un vol dans une maison ».
  27. ^ Il est ici fait référence au sage confucéen (sŏngin, chi. shengren 聖人) dont Confucius et les empereurs chinois mythiques Yao et Shun sont les figures par excellence.
  28. ^ Tŭkchi 得志. Le terme désigne aussi le fait de mener une brillante carrière.
   

Autour du texte:

« L’histoire de maître Yedŏk » est une nouvelle de Pak Chiwŏn (1737-1805) faisant l’éloge des petites gens et des parias de la société (N1). Dans ce récit, un disciple du nom de Chamok 子牧 demande à son précepteur, Sŏn’gyulcha 蟬橘子, la raison de l’estime qu’il porte à un certain « maître Yedŏk ». Ce dernier exerce en effet le métier, sale et malodorant, de vidangeur et est l’objet d’un dédain général. L’auteur insiste cependant, par la voix du précepteur, sur le fait que beaucoup de ceux qui le méprisent, à commencer par Chamok, feraient bien de le prendre pour modèle. 

 

Derrière cette vénération pour un portefaix, Pak Chiwŏn critique amèrement la société de classes caractérisant la Corée du Chosŏn et démontre que l’amitié — l’une des cinq vertus cardinales énoncées dans le Mencius — doit dépasser les distinctions sociales. Le nom même de Yedŏk 穢德, « vertu des immondices », en est symptomatique. Ce terme désigne à l’origine une « mauvaise conduite » que l’« homme de bien » (kunja, chi. junzi 君子), épris des valeurs morales confucéennes, se devait d’éviter. Mais Pak inverse sa signification et fait du vidangeur un exemple à suivre en lui donnant le titre de « maître » (sŏnsaeng 先生), alors qu’il appartient à la classe sociale la plus dévalorisée, celle des « gens vils (ch’ŏnin 賤人). En outre, notre auteur s’adresse avant tout à un lectorat érudit, celui de l’élite aristocratique (yangban 兩班), et il faut vraisemblablement déceler en filigrane une critique du statut déprécié de sŏja 庶子. Ces fils d’épouses secondaires faisaient l’objet d’un certain dénigrement au sein de l’élite lettrée : n’étant pas les fils de la première et seule légitime épouse, ils se trouvaient privés par leur statut d’une grande carrière au sein de la bureaucratie.

 

« L’histoire de maître Yedŏk » est une nouvelle non datée, mais elle est habituellement considérée comme l’une des premières œuvres de Pak Chiwŏn. Son propre fils, Pak Chongch’ae 朴宗采 (1780-1835), avance qu’elle fut écrite avec huit autres textes vers l’âge de vingt ans, autour de 1756-1757 (N2). L’examen de ces quelques récits révèle toutefois que cette approximation est inexacte (N3). Yi Kawŏn 李家源 (1917-2000), le père des études sur Pak Chiwŏn, situe la rédaction de « L’histoire de maître Yedôk » vers 1754, voire un peu plus tôt (N4), tandis que les historiens de la littérature coréenne tendent plus généralement à la placer entre 1754 et 1757. Pourtant, il est aussi possible que l’écriture du texte n’ait pas été complètement achevée avant la fin des années 1760, ce que plusieurs arguments permettent d’appuyer.

 

L’histoire se déroule à Séoul, dans le quartier de la Pagode blanche (Paekt’ap 白塔). Cette pagode, également appelée Chongbon 宗本塔 comme dans notre histoire, est un édifice de dix étages érigé en 1467 dans le temple Wŏngaksa 圓覺寺 (littéralement, « monastère de l’éveil parfait ») qui venait d’être construit à Séoul. Si le temple a été détruit au début du XVIe siècle, la pagode est

restée debout et devenue le trésor national n°2 de la République de Corée. Elle se situe aujourd’hui dans le célèbre parc de la Pagode (T’apkol kongwŏn 塔골公園) qui est associé au mouvement d’indépendance du 1er mars 1919. Or c’est dans ce voisinage que Pak Chiwŏn emménagea à la fin des années 1760. Le quartier devint même le principal lieu de rencontre des membres de l’école des savoirs du Nord (Pukhakp’a 北學派) à partir de cette époque.

 

 

Carte de Séoul présentant les différents lieux mentionnés

dans « L’histoire de maître Yedŏk »

(adaptée de Susŏn chŏndo, par Kim Chŏngho, milieu XIXe siècle)

 

En bleu : lieu où se situe l’histoire

En rouge : champs utilisant le fumier du vidangeur Ŏm

 

Le récit met en scène un précepteur nommé Sŏn’gyulcha 蟬橘子, littéralement « Maître cigale-mandarine ». Nombre de spécialistes pensent y voir une référence à Yi Tŏngmu 李德懋 (1741-1793) qui était par sa branche maternelle un cousin éloigné de Pak Chiwŏn (N5). Yi possédait dans sa jeunesse un studio nommé ŏŏn’gyultang 蟬橘堂 qui était « petit et exigu comme la carapace d’une cigale et la peau d’une mandarine (N6) ». Sŏn’gyulcha aurait donc été l’un des multiples noms de plume utilisés par ce lettré. Ce postulat est mis en doute par certains chercheurs, mais il est d’autant plus intéressant qu’Yi Tŏngmu était un sŏja et que sa première rencontre avec Pak Chiwŏn se déroula en 1768, lorsque leurs deux familles s’installèrent précisément dans le même quartier de la Pagode blanche (N7). Si les deux hommes ne se croisèrent pas avant cette date, ils se connaissaient cependant de manière indirecte depuis plusieurs années, peut-être même une décennie. Yi Tŏngmu fréquenta dans sa jeunesse des parents et des amis de Pak Chiwŏn, et certains écrits des deux hommes révèlent une influence réciproque, notamment à partir de 1765 (N8). Il faut encore ajouter que « L’histoire de maître Yedŏk » mentionne dans ses premières lignes le passage d’un poème composé par Yi Tŏngmu vers 1761. Ce point nous confirme, au-delà de l’identité de Sŏn’gyulcha, que la nouvelle ne put être écrite, ou du moins finalisée, au milieu des années 1750.

 

Quelques précisions s’imposent également sur la figure du disciple, Chamok 子牧. Plusieurs traducteurs affirment qu’il s’agirait d’un certain Yi Chŏnggu 李鼎九 (1756-1783) en arguant du fait que Chungmok 仲牧, son nom personnel public (cha 字), présente des ressemblances évidentes avec Chamok, et qu’il devint par ailleurs le disciple de Yi Tŏngmu dans les années 1770. D’autres traducteurs ont aussi évoqué l’idée que Chamok serait en réalité un cousin de Yi Chŏnggu, à savoir Yi Sŏgu 李書九 (1754-1825). Ce dernier fit la connaissance de Pak Chiwŏn vers 1770, puis de Yi Tŏngmu avec qui il lia une véritable amitié avant d’entamer une brillante carrière jusqu’au poste de ministre des Peines (N9). Ces deux hypothèses sont toutefois irrecevables si on considère que « L’histoire de maître Yedŏk » aurait été écrite au milieu des années 1750. Inversement, il est peu probable que Pak ait attendu les deux décennies suivantes pour écrire sa nouvelle. Plus vraisemblablement, il semble surtout que Pak Chiwŏn voulut jouer avec les mots – ou plutôt les sinogrammes – comme il savait si bien le faire. L’inversion des deux caractères cha et mok donne mokcha 牧子, un terme désignant à l’époque du Chosôn les personnes chargées de nourrir bœufs et chevaux dans les étables et écuries royales. Avec cette tâche dévalorisée au service des puissants, on retrouve toute l’ironie dissimulée qui anime les œuvres de notre auteur (N10). 

 

Reste le cas de « maître Yedŏk ». Le personnage est surtout présenté sous son patronyme Ŏm 嚴 et son surnom de « capiston » qui laisse supposer l’existence de tout un groupe de vidangeurs dans la capitale. Il est cependant difficile de croire Pak Chiwŏn sur parole lorsqu’il évoque — on le verra — des importants gains engrangés en ramassant des déjections. Sans doute faut-il plutôt y voir un intérêt particulier de notre auteur pour la question des excréments à laquelle il consacra plusieurs écrits au cours de sa vie. Les autres membres de l’école des savoirs du Nord, comme Hong Taeyong, Pak Chega et Yi Tŏngmu, traitèrent également de ce même sujet à partir de la seconde moitié des années 1760, après leurs premiers séjours à Pékin. Tous voyaient dans ce thème peu conventionnel, pour ne pas dire tabou, un outil devant servir au développement agricole et économique de leur pays. Ils concevaient également que c’était là un moyen d’assainir les villes, à commencer par la capitale où ils résidaient (N11). 

Il semble donc curieux que Pak Chiwŏn se soit intéressé à une telle problématique dès les années 1750.

 

Il faut plus généralement garder à l’esprit que Pak Chiwŏn n’hésite pas à mélanger dans ses nouvelles des personnes historiques et d’autres inventés de toutes pièces. Les trois protagonistes de « L’histoire de maître Yedŏk » pourraient donc être totalement fictifs. Quant aux doutes émis sur la date de la rédaction de cette nouvelle, ils ne remettent pas en cause l’idée que c’est un texte écrit dans la jeunesse de l’auteur. Mais ils invitent à se demander si le texte n’aurait pas été écrit en plusieurs étapes s’étalant sur une dizaine d’années.

 

Mais laissons à présent le précepteur et son disciple nous parler d’amitié et de déjections en tout genre.

 

 

 

(N1) Deux autres nouvelles abordent le même thème : « L’histoire d’un dénommé Kwangmun » et « L’histoire de maquignons ». Pour une présentation de Pak Chiwŏn, voir notre introduction à « L’histoire du lettré Hŏ », une autre nouvelle disponible au téléchargement sur le site du RESCOR (http://www.reseau-etudes-coree.univ-paris-diderot.fr/documents/pak-chiwo...).

 

(N2) Pak 1998 : 23, 280.  

 

(N3) Yi 1980.

 

(N4) Il se base sur un examen des différentes éditions des œuvres de Pak Chiwŏn. Cf. Yi 1980 : 156.

 

(N5) La mère de Yi Tŏngmu était, comme Pak Chiwŏn, une Pak de Pannam 潘南 朴氏. Voir leur arbre généalogique sur http://kostma.aks.ac.kr/FamilyTree/ 

 

(N6) Ch’ŏngjanggwan chŏnsŏ, kwŏn 2, « Seje 歲題 ».

 

(N7) Certains chercheurs rétorquent qu’Yi Tŏngmu aurait été âgé de treize ans en 1754, date supposée de la rédaction de la nouvelle (cf. supra), et qu’il n’aurait pu être un précepteur avec des disciples à cet âge. D’aucuns avancent également que « Sŏn’gyulcha » était un nom de plume prisé par les lettrés au XVIIIe siècle et qu’il n’était donc pas l’apanage de Yi. Cf. Pak 2008 : 153.

 

(N8) Sur ce sujet, voir Kwŏn 2009.

 

(N9) An et Yi 2014 : 19.

 

(N10) Voir notamment Pak 2008 : 153-154.

 

(N11) Chŏng 2020.

Cette traduction a été réalisée dans le cadre du cours de

« Perfectionnement en chinois classique » à l’université de Paris (M1, année 2019-2020)

avec les étudiantes suivantes :

 

An Youhee

Baek Eunji

Marie Flon

Célia Gaudin

Soriane Marcelin

Natacha Matuszak

Pauline Phinoson

Carla Prévost

Mona Tavernier

 

La traduction a été revue, annotée et introduite

par Pierre-Emmanuel Roux.

Note relative au texte source

 

L’édition que nous avons utilisée est la suivante :

 

Yŏnam chip 燕巖集 (Œuvres de Yônam), par Pak Chiwŏn 朴趾源, Keijō, [s.n], 1932, 17 kwŏn. [Bibliothèque Nationale de Corée].

 

C’est cette édition qui est utilisée sur le site de l’Institut de traduction des classiques coréens (http://db.itkc.or.kr/).

 

Références bibliographiques citées en notes

 

An Taehŭi 안대희 et Yi Hyŏnil 이현일, An Taehŭi, Yi Chŏngmuk, Chŏng Min ŭi maeil ingnŭn uri yetkŭl 39 : Nae ga kyŏkkŭn Paek Tongsu oe 안대회ㆍ이종묵ㆍ정민의 매일 읽는 우리 옛글 39, 내가 겪은 백동수 外 (Les lettres anciennes lues quotidiennement par An Taehŭi, Yi Chŏngmuk et Chŏng Min, 39 : « Ce Paek Tongsu que j’ai fréquenté » et autres histoires), Séoul, Minŭmsa, 2014, p. 7-21.

 

Chŏng Kyusik 정규식, « Punnyo sŏsa ro ingnŭn Yŏnam Pak Chiwŏn ŭi kaehyŏk sasang 분뇨(糞尿)서사로 읽는 연암(燕巖) 박지원(朴趾源)의 개혁 사상 (La pensée réformatrice de Pak Chiwŏn à travers sa narration des excréments) », Kugŏ kungmunhak, vol. 191, juin 2020, p. 273-301.

 

Ch’ŏngjanggwan chŏnsŏ 靑莊館全書 (Œuvres complètes de Ch’ŏngjanggwan), par Yi Tŏngmu 李德懋, [s.d.], 67 kwŏn. [Exemplaire manuscrit conservé au Kyujanggak]

 

Couvreur Séraphin (trad.), Cheu King, Ho Kien Fou, Imprimerie de la Mission catholique, 1896.

 

Couvreur Séraphin (trad.), Li Ki ou Mémoires sur les bienséances et les cérémonies, Ho Kien Fou, Imprimerie de la Mission catholique, 1913.

 

Kim Haboush JaHyun (éd.), Epistolary Korea: Letters in the Communicative Space of the Chosŏn, 1392-1910, New York, Columbia University Press, 2009.

 

Kwŏn Chŏngwŏn 권정원, « 燕巖과 炯菴의 만남과 교유에 대하여 Yŏnam kwa Hyŏngam ŭi mannam kwa kyoyu e taehayŏ (À propos de la rencontre et des relations entre Yŏnam [Pak Chiwŏn] et Hyŏngam [Yi Tŏngmu]) », Hancha hanmun kyoyuk, n° 22, mai 2009, p. 367-391.

 

La Shure Charles, « Pak Chiwŏn, “The Tale of Master Yedŏk” (穢德先生傳 Yedŏk sŏnsaeng-jŏn) », in Michael J. Pettid, Gregory N. Evon, and Chan Park (éd.), Premodern Korean Literary Prose - An Anthology, New York, Columbia University, 2018, p. 185-190.

 

Pak Chongch’ae 박종채, Na ŭi abŏji Pak Chiwŏn : Kwajŏngnok 나의 아버지 박지원 : 過庭錄 (Mon père Pak Chiwŏn : Chroniques rédigées en passant à travers la cour) » (traduit par Pak Hŭibyŏng 박희병), Séoul, Tolbegae, 1998.

 

Pak Kisŏk 박기석, Yŏnam sosŏl ŭi simch’ŭngjŏk ihae 연암소설의 심층적 이해 (Une compréhension approfondie des nouvelles de Yŏnam), Séoul, Chimmundang, 2008.

 

Pyŏngse chip 幷世集 (Recueil d’œuvres d’une même époque), compilé par Yun Kwangsim 尹光心, [s.d.], 4 kwŏn [Exemplaire conservé à la Bibliothèque nationale de Corée]

 

Yi Kawŏn 李家源, Yŏnam sosŏl yôn’gu  燕巖小說研究 (Étude sur les nouvelles de Yŏnam), Séoul, Ŭryu munhwasa, 1980. (1re éd. 1965)

 

 

(Version du 28 août 2020)

Academy of Korean studies Inalco Université Paris Diderot-Paris 7 EHESS