Compte rendu du panel : « Combinaisons internes et adaptations externes », 20 novembre 2014
Colloque international « Pluralité religieuse et culturelle en Asie de l’Est (Chine, Corée, Japon) », organisé par l’équipe ASIEs de l’INaLCO et le Réseau des Études sur la Corée (INaLCO-Paris-Diderot-EHESS), 20-21 novembre 2014
Compte rendu réalisé par Hunhee Cho, Lucie Daeye, Hugo Desmettre, Dilara Kuruoglu, Xiao Wu, étudiants du séminaire de Valérie Gelézeau à l’EHESS
Modéré par Valérie Gelézeau (EHESS) qui évoque en introduction le projet scientifique du Réseau des études sur la Corée dans lequel s’insère ce colloque, le second panel est consacré aux combinaisons internes et aux adaptations externes face à la pluralité religieuse et culturelle de la région. Passionnant en ce qu’elle intègre toutes les composantes de la thématique du colloque, l’intervention de Pierre-Emmanuel Roux (historien des religions post-doctorant à l’Université de Bochum) est intitulée « Catholic Converts, Ancestor Worship and Religious Plurality: A Few Thoughts on Ming-Qing China and Chosŏn Korea ». Après avoir rappelé l’importance du culte des ancêtres au sein des sociétés chinoise et coréenne, l’intervenant s’est interrogé sur l’impact de l’interdiction de ce culte en Chine et en Corée et sur les différentes attitudes adoptées vis-à-vis de ce culte par les catholiques de ces deux pays au cours du XVIIIe et XIXe siècle. P.-E. Roux analyse ainsi la dimension conflictuelle de cette coexistence, autour des prohibitions réciproques, à partir de l’exemple de plusieurs crises majeures ou d’incidents récurrents. En effet, l’interdiction de ce culte par la papauté se transforma en une véritable controverse ardemment discutée à tous les niveaux, de Rome aux missionnaires en passant par les Coréens ou Chinois fraîchement convertis qui conduisit à l’interdiction de la pratique du catholicisme en Chine et en Corée. L’intervenant conclura que les adaptations adoptées par les pratiquants et les missionnaires catholiques en Asie du Sud-Est au sujet du maintien ou non du culte des ancêtres ne sont pas une forme d’acculturation du catholicisme, mais plutôt un « entremêlement » ou un jeu d’interaction entre le catholicisme européen et les rituels confucéens, au sein d’un tissu religieux et culturel pluriel.
Le second orateur, Carl Young (Université Western Ontario), recentre le propos sur le cas de la Corée du début du XXe siècle, avec un exposé intitulé « Beyond the Three Teaching: Religious Plurality and the Ch’ŏndogyo Religion in Korea in the Early 20th century » qui s’appuie sur son dernier ouvrage, Eastern Learning and the Heavenly Way: The Tonghak and Ch’ŏndogyo Movements and the Twilight of Korean Independence (2014). C. Young analyse l’émergence d’une pluralité religieuse dans le contexte particulier de la montée de l’impérialisme japonais, en insistant sur l’intérêt qu’il y a à étudier le mouvement religieux Ch’ŏndogyo. Fondé sur la transformation et la redéfinition d’un mouvement précédant appelé Tonghak, cette religions est issue des trois enseignements religieux (le bouddhisme, le confucianisme et le taoïsme). L’exemple du Ch’ŏndogyo montre ainsi que la religion n’est pas une sphère isolée, mais au contraire très ancrée dans une réalité sociale et des enjeux politiques, voire idéologiques, forts. A ce titre le Ch’ǒndogyo se présente comme un programme de société global, doublé d’une réinterprétation religieuse synthétique entre l’ancien et le moderne. L’auteur conclut en rappelant l’importance de cette période historique comme période de transition : de nouvelles idées économiques, politiques et sociales venant de l’étranger ont pu être intégrées dans les traditions pour former une nouvelle identité et le Ch’ŏndogyo, tandis qu’apparaissaient les premiers débats entre collaborateurs et nationalistes.
Les questions posées par la discutante Marion Eggert (Université de Bochum) ont permis d’insister sur le fait que les deux intervenants ont réussi à dépasser le schéma classique de perversion ou rejet pour choisir celui de l’adaptation ou de la transformation dans leur étude de la pluralité religieuse en Asie. La discussion est également revenue sur les implications de cette pluralité, notamment dans le rapport des sociétés à leurs pratiques ancestrales en période de bouleversements.