Dans le cadre d’un MoU récemment signé, l’université Paris Diderot (UPD) et l’université nationale de Pusan (PNU) ont organisé le 21 janvier 2019, en partenariat avec le Centre Chine-Corée-Japon de l’EHESS (UMR 8173), une journée d’étude des jeunes chercheurs inscrits en master et en doctorat autour des études coréennes et est-asiatiques pré-modernes. Cet événement académique s’étant révélé une expérience aussi fructueuse qu’encourageante, il sera certainement suivi de rencontres similaires en France et en Corée du Sud au cours des prochaines années.
Cette journée d’étude a été ouverte par Kim Seung-Ryong, professeur à PNU, et Pierre-Emmanuel Roux, maître de conférences à UPD. Les deux organisateurs ont rappelé en quoi cet exercice de l’exposé oral pouvait offrir aux masteurants et doctorants des deux pays une opportunité de présenter leurs recherches en public, et dans une langue étrangère, à savoir l’anglais ou le coréen. Ils ont également souligné le fait que cette journée avait pour objectif de promouvoir des rencontres entre jeunes chercheurs pour échanger autour de leur sujet, de leur(s) discipline(s) et plus largement du domaine des études coréennes. Enfin, ils n’ont pas manqué d’insister sur le rôle joué par Lee Eunryoung, professeur associée à PNU et malheureusement empêchée à Pusan, dans la préparation de cette journée.
La conférence inaugurale donnée par le professeur Lee Jun-Kyu (PNU) avait pour sujet le lettré-fonctionnaire Tasan Chŏng Yagyong (茶山 丁若鏞, 1762-1836) et la réception des « savoirs occidentaux » (sŏhak 西學) dans la péninsule coréenne. Il a notamment souligné le fait que la communauté scientifique était très divisée sur la façon de concevoir et de mettre des étiquettes sur la pensée de ce célèbre personnage historique.
Le premier panel de cette journée d’étude, animé par le professeur Yannick Bruneton (UPD) et les discutants Isabelle Sancho (chargée de recherche au CNRS-EHESS) et Lee Jun-Kyu, tournait autour de la thématique de la littérature et des émotions. La première intervenante, Heo Ha-Young (PNU), a présenté ses recherches sur le lettré Ch’oe Yŏn (崔演, 1503-1549) qui usait de fables pour mieux critiquer ses opposants politiques comme Kim Allo (金安老, 1481-1537). Le deuxième exposé, par Kim Won (UPD), portait sur la littérature de l’exil à la fin du Chosŏn et plus particulièrement sur le lettré Yi Hakkyu (李學逵, 1770-1835), banni pendant près de vingt-cinq ans à Kimhae 金海, près de Pusan, où il fut réduit à la plus grande indigence. Jin Yeong-Ung (PNU) a ensuite clôturé ce panel par une présentation sur le concept de mun 文 chez Sŏ Kŏjŏng (徐居正, 1420-1488), dans sa préface à la célèbre anthologie de la littérature coréenne, le Tongmunsŏn (東文選, 1478).
Le panel suivant, dirigé par Kim Seung-Ryong, portait sur les poèmes et les chants, entre chinois classique et coréen vernaculaire. Younès M’Ghari (EHESS et INALCO) a tout d’abord présenté ses recherches sur l’écriture (ou la réécriture) de la biographie coréenne du Bouddha dans Les Chants de la Lune se reflétant dans mille fleuves (Wŏrin ch’ŏn’gang chi kok 月印千江之曲). Si cette œuvre attribuée au roi Sejong (世宗, r. 1418-1450) est bien connue, elle demeure en revanche peu commentée sur de nombreux aspects. Choi Geum-Ja (PNU) a ensuite exploré les poèmes du célèbre penseur Toegye Yi Hwang (退溪 李滉, 1501-1570) et leur utilisation dans le contexte des luttes de factions à l’époque du Chosŏn. Les deux intervenants ont ensuite répondu aux questions des discutants, Kim Seung-Ryong et Yannick Bruneton.
Un troisième panel était consacré à la thématique de la Corée et de ses contacts avec le monde extérieur à l’époque du Koryŏ. Il était encadré par Lee Jun-Kyu et fut suivi de commentaires de la part de Kim Seung-Ryong et Lee Sangbong, post-doctorant à PNU. Une première présentation donnée par Gulsen Kilci (UPD) portait sur les unions matrimoniales entre les cours des Yuan et du Koryŏ, avec un intérêt particulier pour la figure de Chang Sullyong (張舜龍, 1255-1297), cet intendant privé de la princesse Cheguk (齊國, 1259-1297) que les historiens ont longtemps perçu comme musulman en raison de son statut de hoehoe 回回人. La seconde intervention, celle de Damien Peladan (UPD), était à la croisée des études coréennes, chinoises et japonaises. Elle retraçait le trajet d’un navire marchand chinois que des pirates japonais avaient détourné de sa route et dont l’épave a été identifiée au large de la péninsule coréenne, dans les eaux du district de Sin’an 新安郡, alors qu’il avait pour destination le port de Hakata 博多 au Japon.
Le quatrième et dernier panel, présidé par Kim Daeyeol, professeur à l’INALCO, et animé par lui-même et Lee Jun-Kyu, portait sur les nouveaux courants de pensée dans la Corée du XVIIIe siècle. Lee Sangbong (PNU) a présenté ses recherches sur l’acceptation des « savoirs occidentaux » par le lettré Hwang Yunseok (黃胤錫, 1729-1791), aussi connu sous le nom de plume Ijae 頤齋. Son exposé a été suivi d’une dernière présentation par Leyla Karaagac (INALCO), sur le susmentionné Tasan et sa conception de la notion de shim (心, “coeur-esprit”).
Enfin, après les mots de conclusion de Kim Seung-Ryong et Pierre-Emmanuel Roux sur la réussite de cette première expérience et le souhait de pérenniser ce genre d’évènement, un repas a permis aux participants d’échanger de manière informelle et de prolonger les débats autour des différents sujets abordés dans la journée.
Les étudiants et enseignants de PNU ont poursuivi leur périple académique parisien dès le lendemain en visitant la bibliothèque de la BULAC, grâce à Madame Soline Lau-Suchet qui leur a fait découvrir les fonds anciens relatifs à la Corée.
La prochaine journée d’étude se déroulera à l’université nationale de Pusan d’ici un ou deux ans. Avis donc à tous les masteurants et doctorants intéressés par les études coréennes pré-modernes !