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Un avenir de mouton, traduit du coréen par Krennen Martinez

Copyright Juno Chen

Copyright Juno Chen

Un avenir de mouton

nouvelle de Hwang Jung-eun

traduit du coréen par Krennen Martinez

 

La librairie était située dans un vieil ensemble d’appartements.

Elle se trouvait dans le sous-sol d’un centre commercial insignifiant d’à peine un étage qui sortait de terre tel un gâteau plat. Occupant tout l’espace du sous-sol, c’était une boutique de grande superficie mais, isolée et entourée de magasins si décrépits qu’à son ouverture il n’y avait eu que peu de clients. Pour la faire connaître, le gérant avait placé un panneau publicitaire à côté des escaliers qui menaient au sous-sol, et pas moins de deux cents plafonniers à l’intérieur du magasin. À la nuit tombée, la lumière qui se répandait dans tout le niveau se propageait encore loin en haut des escaliers. Attirées par cette lueur, les personnes qui passaient sous la rangée d’arbres bordant la route venaient feuilleter les livres, acheter un ou deux exemplaires et le nombre de clients avait ainsi peu à peu augmenté.

La plupart du temps, je travaillais à la caisse. Lorsque j’avais un moment libre, j’enfilais des gants et j’allais ranger les étagères, faire l’inventaire ou frotter le sol avec une serpillière. Une fois ces tâches terminées, je retournais à la caisse et fixais la porte d’entrée. Les jours ensoleillés comme les jours de pluie se succédaient derrière une vitre. Cet environnement n’était pas si mauvais. J’aimais travailler dans une librairie. Je ne m’en rendais pas compte à l’époque, mais c’était bien le cas. Lorsque l’on montait les escaliers en éventail, il y avait un cerisier et une cabine téléphonique inondés par la lumière d’un lampadaire. Le cerisier à côté du lampadaire était le premier à fleurir au printemps. Durant la période de floraison, les pétales tombaient en illuminant la nuit d’une couleur argentée. Je voyais toute cette scène depuis la caisse. Ils virevoltaient un par un dans les airs avant de toucher le sol. Les pétales se dispersaient comme des petits points sur l’escalier qui descendait vers la librairie. Une bourrasque les faisait s’envoler en tourbillonnant dans un coin isolé. À cette époque, une jeune fille du nom de Jinju avait disparu dans les alentours de la librairie.

Lire la suite sur le site de la Revue des Ressources.

 

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La rentrée de l’année universitaire 2014-2015 a vu naître un Atelier de traduction coréen-français au sein de l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO). L’initiative est venue de l’Institut coréen pour la traduction littéraire (KLTI), organisme rattaché au ministère sud-coréen de la Culture, des Sports et du Tourisme qui œuvre pour une meilleure diffusion de la littérature coréenne dans le monde. Une place grandissante dans ses activités est accordée aux échanges entre écrivains, traducteurs, éditeurs et critiques littéraires, ainsi qu’à l’enrichissement du vivier de traducteurs, en Corée comme à l’étranger.
Constituée d’une dizaine d’étudiants de master et de licence de coréen, cette première édition de l’Atelier avait pour tâche de traduire Yangui mirae, nouvelle de Hwang Jung-eun publiée dans la revue Isibilsegi munhak, « Littérature du XXIe siècle » (numéro 62, automne 2013). Plusieurs séances de travail ont été organisées pour clarifier les points difficiles, commenter les constructions narratives et imaginer les possibilités de traduire ce qui pouvait paraître a priori intraduisible. Une rencontre avec l’auteur, qui a eu lieu en décembre 2014 à l’INALCO, a permis d’approfondir la compréhension du texte et de finaliser la ou plutôt les traductions, car l’objectif était que chaque participant établisse la sienne.
La Revue des Ressources, qui avait déjà publié deux très brefs récits du même auteur, la Société des chocomen et G, a bien voulu accueillir sur son site une de ces traductions. Un jury franco-coréen a choisi, parmi de nombreux textes de qualité, celui de Krennen Martinez, étudiant en master, déclarant que « Krennen a des trouvailles vraiment intéressantes et l’ensemble se lit merveilleusement bien. Sa traduction, prise dans son intégralité et dans chaque paragraphe, sonne juste et colle à l’idée et à la petite musique du texte en coréen ».

 

JEONG Eun-Jin, maître de conférences à l’INALCO
En logo une photographie de Juno Chen.

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Academy of Korean studies Inalco Université Paris Diderot-Paris 7 EHESS