Dans le cadre de son séminaire pluridisciplinaire, le Centre de Recherches sur la Corée a accueilli en mai 2014 pour une série de conférences Robert Oppenheim (Université du Texas, Austin), spécialiste de l’anthropologie et de l’histoire de la Corée.
Jeudi 22 mai 2014, dans sa présentation intitulée « Inverting the Museum: American Anthropology and the Collection of Korea in the Late Nineteenth Century » (tirée de son ouvrage à paraître sur l’anthropologie américaine sur la Corée), Robert Oppenheim a présenté la manière dont la Corée a été perçue et représentée aux Etats-Unis à partir des collections d’objets ethnographiques rapportés de Corée dès la fin du XIXe siècle.
Articulant sa présentation en deux parties, il a évoqué dans un premier temps la constitution des collections ethnographiques grâce à un réseau de missionnaires, chercheurs et diplomates en poste en Corée, et le rôle prépondérant des musées américains dans la présentation et la perception de la culture coréenne.
Robert Oppenheim a rappelé l’importance de la signature du traité de Paix entre la Corée de Chosǒn et les Etats-Unis en 1882 qui marque le début de l’anthropologie américaine sur la Corée. Elle était inexistante à cette époque et s’est développée dans un contexte international particulier où les échanges internationaux étaient bien plus importants à la fin du XIXe siècle qu’au début du XXe. Les premières collections américaines d’objets coréens ont été constituées dès cette époque avec les premiers inventaires réalisés en 1886 par Otis Mason et Walter Hough, avec l’aide de trois Coréens, des 156 objets rapportés en 1884 par John Baptiste Bernadou, alors « Smithsonian Attaché ».
Dans une seconde partie intitulée « Where is the East ? Korea in Evolutionary theory », Robert Oppenheim a évoqué le débat muséographique qui a opposé Otis Mason à Franz Boas en 1887, le premier prônant une classification des objets en fonction de leur usage technique, sans tenir compte du lieu géographique d’origine, tandis que le second recommandait une présentation des objets par origine géographique ou par aire culturelle.
D’autres chercheurs débattant de l’anthropologie de l’évolution et partisans de l’évolutionnisme, tel que Stewart Culin, pensaient que des objets similaires provenant de cultures différentes avaient été indépendamment créés selon les principes d’une évolution universelle, et non pas selon une théorie diffusionniste où des éléments culturels d’une société sont empruntés à d’autres cultures.
Dans la session questions-réponses qui a clos la séance, les interrogations ont porté sur le devenir des objets rapportés de Corée à la fin du XIXe siècle et après la Guerre de Corée par des soldats américains. Si beaucoup ont été donné à des musées américains, d’autres conservés dans des collections particulières refont périodiquement surface au gré des ventes aux enchères publiques. Qui étaient les trois Coréens qui ont aidé au catalogage des objets rapportés par John Baptiste Bernadou? Sǒ Kwangbǒm, Sǒ Chaep’il (Philip Jaisohn) et Pyǒn Su durent fuir aux Etats-Unis après avoir participé à la tentative du Coup d’Etat de Kapsin en 1884.
Ariane Perrin
pour le Réseau des études sur la Corée