Compte rendu

Compte rendu : « Sǒkkuram’s Interior Landscapes, Circa 1911 »

CR 2_Sokkuram

 

Vendredi 23 mai 2014, dans le cadre du séminaire pluridisciplinaire du Centre de Recherches sur la Corée, la Maison de l’Asie a accueilli Robert Oppenheim (Université du Texas, Austin), spécialiste de l’anthropologie et de l’histoire de la Corée, pour une conférence intitulée « Sǒkkuram’s Interior Landscapes, Circa 1911 ».[1]

Dans sa présentation, il s’est intéressé aux « histoires cachées » de la grotte bouddhique de Sǒkkuram, construite au milieu du VIIIe siècle dans la région de Kyǒngju à l’époque du Silla unifié, non pas comme un vecteur de  représentations (« vehicule for representation ») mais plutôt pour son processus de matérialisation (« material process ») : comment le paysage historique coréen a-t-il évolué au début du XXe siècle ?

Utilisant des sources non publiées, Robert Oppenheim s’est penché sur deux aspects de la matérialité de Sǒkkuram (« Sǒkkuram’s materiality »), l’un portant sur l’interprétation raciale des sculptures bouddhiques et l’autre sur les inscriptions faites par des visiteurs à l’intérieur de la grotte.

« Writing about » : Reconstruite en 1913 par les archéologues japonais pendant la période coloniale, la grotte fut redécouverte en 1968. Frederick Starr (1858-1933), anthropologue et ethnologue, fut l’un des premiers occidentaux à se rendre sur le site en novembre 1911 et à proposer une relecture inédite des sculptures bouddhiques polychromes basée sur leurs traits morphologiques (mâchoires prononcées, nez aquilin) et « couleur de peau » (claire, foncée)

Selon Frederick Starr, les types raciaux qu’il a identifiés dans la grotte révèlent l’existence d’une Corée multi-ethnique et provoquent l’élaboration d’un discours racial sur la Corée. Ce débat fut poursuivi et alimenté par Elizabeth Anna Gordon (1851-1925) qui suggéra que les figures au teint foncé étaient d’origine étrangère provenant du Gandhara. Selon elle, la grotte de Sǒkkuram était liée au moine d’origine indienne (ou d’Asie centrale), Mukhoja 墨胡子, « muk » étant l’équivalent du mot coréen  « hŭk » signifiant « noir ».

« Writing on » : Dans un second temps, se basant sur les photographies rapportées par Frederick Starr, Robert Oppenheim a tenté d’interpréter le sens des inscriptions faites par des visiteurs coréens (le plus souvent, des étudiants et leurs professeurs pendant des voyages d’études) à l’intérieur du monument, en des endroits spécifiques, non choisis au hasard : sur les piliers et non pas directement sur les sculptures. Plus que le contenu des inscriptions, ce qui a intéressé Robert Oppenheim est leur date de création et leur emplacement, empreints selon lui d’une arrière-pensée politique. Il note une prolifération des inscriptions entre 1911 et 1913 ce qui correspond à la période suivant l’annexion de la Corée par le Japon. Ces inscriptions seront par la suite effacées par les Japonais au moment de la reconstruction du monument en 1913. Pour Robert Oppenheim, Sǒkkuram est devenue une « page blanche » ; elle a été nettoyée devenant ainsi silencieuse (« clean but mute »).

 

Ariane Perrin

pour le Réseau des études sur la Corée

 


[1]Oppenheim, R.M. (2013) “Writing Sǒkkuram: An Archaeology of Inscription around 1911.” positions: asia critique 21(3), 547-577.

Pages

Academy of Korean studies Inalco Université Paris Diderot-Paris 7 EHESS