Depuis son émergence en tant que puissance économique exportatrice, la Corée du Sud investit dans la création de relations diplomatiques avec l’Asie du Sud-Est. Cet investissement sud-coréen soulève un questionnement quant aux influences de ces relations diplomatiques dans les transformations économiques et culturelles observables dans les pays membres de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN). Cet article présente les trois sphères d’investissements de la Corée du Sud en Asie du Sud-Est : les relations diplomatiques Corée-ASEAN, son influence économique, et son influence culturelle.
L’influence de la Corée du Sud en Asie du Sud-Est
L’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN), composée de pays en développement et d’une forte diversité culturelle, a connu une croissance difficile. L’ASEAN a été confrontée à des crises financières, des tensions économiques et politiques, et des problèmes de crédibilité à l’international [1]. C’est suite à la crise financière de 1997-1998 et à la création de relations de coopération avec les puissances asiatiques (Chine, Japon et la Corée du Sud) que l’ASEAN décide de renforcer sa coopération économique et politique et de s’intégrer au niveau mondial. À partir des années 2000, la Corée du Sud entreprend des initiatives d’échanges commerciaux avec l’Asie du Sud-Est. Le gouvernement sud-coréen tente de se positionner en tant que modèle de réussite économique et culturelle pour les pays en voie de développement [2].
Les relations diplomatiques
En 2009, la Corée du Sud crée l’ASEAN-Korea Center à Seoul, dont l’objectif est de promouvoir les relations économiques et la coopération socio-culturelle entre elle et les pays de l’ASEAN. En mars 2009, en collaboration avec la Corée du Sud, cette dernière propose une structure économique entre la Birmanie, la Cambodge, le Laos, la Thaïlande et le Vietnam. Cette initiative concorde avec la stratégie coréenne (Nouvelle initiative asiatique) dont l’objectif est de développer les relations du pays au-delà des États-Unis, de l’Union européenne et de l’Asie du Nord-Est. Les relations diplomatiques entre la Corée du Sud et les pays de l’ASEAN visent notamment le développement d’un attrait envers la culture coréenne [3].
a) Le tourisme : L’un des objectifs de l’ASEAN-Korea Center est de promouvoir les échanges sociaux entre les citoyens de la Corée du Sud et des pays de l’ASEAN. En 2014, le nombre de visiteurs coréens dans la région de l’ASEAN était de 4,95 million, en faisant la destination la plus populaire pour les Coréens. Parallèlement, la Corée du Sud accueillait 1,8 million de visiteurs des pays de l’ASEAN, le troisième plus important nombre de touristes après la Chine et le Japon [4].
b) La langue coréenne : Avec le soutien financier de la Korean Foundation, la langue coréenne et le Hangeul se sont popularisés en Asie du Sud-Est. L’enseignement du coréen est offert dans les régions à travers des programmes de différents établissements d’enseignements supérieurs, comme l’University of Malaysia, la Gadjah Mada University en Indonésie, la Diliman University aux Philippines, la Yangon University of Foreign Language au Myanmar, etc.
c) La cuisine coréenne : En 2003-2004, le K-drama (série télévisée coréenne de type drama) Dae Jang Geum connaît un fort succès en Asie du Sud-Est et permet la promotion de la cuisine traditionnelle coréenne dans ces pays. Suite à la popularisation de ce drama, plusieurs restaurants coréens ont ouvert leurs portes en Asie du Sud-Est ; on parle notamment de plus de 130 nouveaux restaurants coréens en Thaïlande, dont 70 situés à Bangkok [5].
L’influence économique
En 2009, la Corée du Sud devient membre du Comité d’aide au développement de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) et passe au premier rang des donateurs. En 2010, l’ASEAN était la troisième destination des investissements sud-coréens et la deuxième partenaire économique du pays, représentant plus de 11% des échanges économiques avec la Corée du Sud [6]. En 2010, la Corée du Sud s’engage dans une politique active d’aide au développement coordonnée par le Korea International Cooperation Agency (KOICA). Le KOICA supporte divers projets de développement durable en Asie du Sud-Est, tel que le HRD Center project (7,45 millions $ américains) au Cambodge et le V-KIST etablishment support project (3,50 millions $) au Vietnam. Les quatre principaux pays d’investissement sont le Vietnam avec 27 millions $ (5,7% du budget total du KOICA), les Philippines 21,8 millions $ ou 4,6%), le Cambodge (21,7 millions $ ou 4,5%) et l’Indonésie (19,2 millions $ ou 4,0%) [7].
L’influence culturelle
Le mouvement Hallyu joue un rôle majeur dans le processus de rapports sociaux entre les citoyens de l’ASEAN et les Coréens [8]. Ce mouvement culturel se définit comme une stratégie commerciale coréenne axée dans une optique de gagner de l’influence sur les marchés asiatiques et internationaux par une abondance des produits culturels et médiatiques coréens, à la fois diversifiés et attrayants. En Asie du Sud-Est, le mouvement Hallyu s’est d’abord popularisé par le cinéma coréen au Vietnam. Un projet en collaboration entre la Corée du Sud et le Vietnam prévoit la création de 198 écrans et de 24 complexes d’ici 2016 (Leveau, 2012). À partir de 2003, les dramas coréens sont diffusés aux Philippines et connaissent un succès immédiat. En 2006, les Philippines deviennent le quatrième principal importateur de séries sud-coréennes après le Japon, la Chine, et Taïwan. Au Vietnam, en 2000, la moitié des films et séries importées étaient d’origine sud-coréenne. Depuis 2005, les exportations de musique populaire coréenne (K-pop) ont augmenté en moyenne de 18,9% par année. En 2010, l’Asie du Sud-Est exporte pour 480 millions $ de produits culturels coréens, soit une croissance de 62,7% durant la période 2007-2010.
En conclusion, les relations diplomatiques entre la Corée du Sud et l’Asie du Sud-Est se reflètent sous la forme d’une nouvelle stratégie d’influence mise en place par le gouvernement sud-coréen. Considérant que la Corée du Sud se propose comme modèle de réussite économique et culturelle pour l’Asie du Sud-Est, il est pertinent d’analyser l’influence des relations diplomatiques entre la Corée du Sud et les pays d’Asie du Sud-Est et d’observer l’impact de la Corée du Sud sur le développement économique et culturel de l’Asie du Sud-Est.
Crédits (photo de couverture) : ASEAN Korea Centre https://www.aseankorea.org/eng/page30/page33-1.asp
[1] Teo Chu Cheow, Eric. 2003. « L’ASEAN, entre élargissement et marginalisation. »Politique étrangère, 68 (1) : 133-148.
[2] Leveau, Arnaud. 2011. « Le nouvel asiatisme coréen. » Gis Asie. En ligne.http://www.reseau-asie.com/article/archive-des-articles-du-mois/les-articles-du-mois-du-reseau-asie/nouvel-asiatisme-coreen-arnaud-leveau/ (Page consultée le 23 septembre 2015).
[3] ASEAN-Korea Centre. 2015. « ASEAN-Korea relations. » En ligne.https://www.aseankorea.org/eng/page30/page33-1.asp (Page consultée le 23 septembre 2015).
[4] Ibid.
[5] Leveau, Arnaud. 2011. « L’essor du tigre : les ambitions sud-coréennes en Asie du Sud-Est. L’Asie du Sud-Est. » En ligne.http://www.academia.edu/616218/Lessor_du_tigre_Les_ambitions_sud-cor%C3%A9ennes_en_Asie_du_Sud-Est_The_Surge_of_the_Tiger_The_South_Korean_Ambitions_in_Southeast_Asia(Page consultée le 23 septembre 2015).
[6] Voir [2]
[7] KOICA. 2015. Korean International cooperation agency : About KOICA. » En ligne.http://koica.go.kr/ (Page consultée le 23 septembre 2015).
[8] Voir [2]
Elsa Brais-Dussault
Diplômée d’une d’une maîtrise en Communication internationale et interculturelle à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), Elsa Brais-Dussault s’intéresse à la croissance économique et culturelle des industries culturelles et médiatiques sud-coréennes (ICM), ainsi qu’à l’influence de la Corée du Sud en l’Asie du Sud-Est
Source : L’Asie en 1000 mots