Younga KIM, « Intentions de départ en retraite des femmes et histoires de vie familiales et professionnelles : une comparaison entre Corée du Sud et France »

Younga KIM, « Intentions de départ en retraite des femmes et histoires de vie familiales et professionnelles : une comparaison entre Corée du Sud et France »

Je me suis toujours sentie concernée par le sort des plus défavorisés ainsi que par la condition des femmes. Issue d’un milieu non académique, j’ai eu l’expérience étant plus jeune du bouleversement qu’a représentée en Corée du Sud la modernisation à marche forcée de l’économie, à laquelle s’est greffée l’émancipation des femmes. Je n’ai jamais oublié le privilège de pouvoir mener des études supérieures. J’y ai appris le français et la culture francophone. Aussi, lorsque la chance m’a été donnée de mener une thèse à Paris, ai-je saisi celle-ci pour mieux comprendre les forces et les faiblesses de notre société coréenne. La ligne très sensible en Corée à laquelle je me suis consacrée, est de comprendre la précarité des femmes sur le marché de l’emploi, parce que l’économie reste le moteur de l’émancipation. Cette thèse soutenue m’a fait beaucoup mûrir. J’ai tenté de tirer profit de la méthode comparative enseignée à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris. En effet, comme je m’en suis rendue compte à travers le travail académique et le traitement des données, mais aussi dans la vie quotidienne, pour l’organisation de la cité, l’art de la conversation, Corée du Sud et France se ressemblent (population et richesse comparables, situation géopolitique avec quelques points communs, arts et culture sophistiqués) tout en étant fortement dissemblables, dans les comportements au quotidien, dans l’expression des émotions, dans les rapports à l’autorité, dans la conciliation entre vie de famille et travail, dans le sort préparé aux aînés. Pour ne pas commettre l’erreur de prendre la France pour l’arbitre des mœurs occidentales, il me fallait une autre perspective, alors que, ma thèse terminée, j’avais compris l’importance pour le proche avenir de la question du bien vieillir et de la santé des personnes âgées. C’est pourquoi mon projet postdoctoral est providentiel1.

En ce moment, je m’intéresse aux ressorts du « partir à la retraite ». En Corée, cela n’est pas automatique. Les personnes susceptibles de partir doivent souvent faire face à de grosses charges financières (immobilier, entretien de proches) mais aussi, du fait de la grande longévité coréenne combinée à une forte fécondité au moins jusque dans les années 60, aux soins de leurs parents âgés. L’étiolement du confucianisme a aussi accompagné la désagrégation de la famille, de sorte que de nombreuses femmes se retrouvent seules avec des métiers précaires et avec des parents dépendants financièrement, voire dépendants en terme de santé.

Une travailleuse âgée qui travaille dans un restaurant à Seoul. Photo prise par mon ami R. Kwon en 2017.

Sur le chemin qui me conduit chaque jour de mon bureau au centre de recherche en démographie, je ressens vivement ces questions dont la tentative de réponse m’ouvre chaque jour des compréhensions insoupçonnées : la vie, la mort, la famille, la santé, le lien social, notre fragilité d’humains. En tentant, par les moyens que l’éducation m’a offerts (analyse des données, modélisation des comportements, psychologie sociale), je crois participer à la volonté de savoir, et quelque part, je voudrais bien servir les autres. Le vivre-ensemble des gens en société, à la fois si proches et si différents, me questionne. Je crois que les sciences sociales pourraient avoir la mission de nous faire progresser. Pensons aux transformations de la société depuis cent ans !   Qu’une femme puisse s’affranchir de son rôle purement voué à la reproduction a résulté d’une révolution technique, économique, mais aussi liée aux mentalités, chaque facette agissant sur l’autre.


Younga KIM

Post-doctorant du RESCOR en 2016

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  1. Merci à la bourse postdoctorale du RESCOR, courant de septembre à décembre 2016, de m’avoir permis d’entreprendre cette recherche, merci à la bourse postdoctorale « Move-in Louvain » à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve, courant de 2017 à 2019, de m’avoir permis de mener ce projet
Academy of Korean studies Inalco Université Paris Diderot-Paris 7 EHESS