Min Sook Wang-Le et Frédéric Wang, « L’univers fantasmagorique dans le Geumo sinhwa (Nouveaux Contes du mont de la Tortue d’or) de Kim Si seup (1435-1493) »

Min Sook Wang-Le et Frédéric Wang, « L’univers fantasmagorique dans le Geumo sinhwa (Nouveaux Contes du mont de la Tortue d’or) de Kim Si seup (1435-1493) »

Il n’existe pas une expression purement et proprement coréenne pour désigner les fantômes et les esprits, malgré l’existence du terme tokebi 도깨비 (獨脚鬼), qui est certes lié au registre magico-fantasmagorique mais qui signifie plutôt « luciole » dans les contes traditionnels. On fait appel pour ce faire au terme sino-coréen gwisin 귀신 (guishen 鬼神), combinaison de gwi 귀 (gui 鬼, « fantôme » ou « revenant ») et sin 신 (shen 神, « esprit »). Par ailleurs, on a tendance à accoler les caractères chinois aux transcriptions coréennes pour les expressions liées à la sphère surnaturelle, comme japgwi 잡귀 (雜鬼, « petit fantôme »), japsin 잡신 (雜神, « mauvais génie »), honryeong 혼령 (魂靈, « âme »), wongryeong 원령 (怨靈, mânes d’une personne morte injustement), gaekgwi 객귀 (客鬼, « fantôme errant »), sinryeong 신령 (神靈, « divin »), sinin 신인 (神人, « immortel »). Ce fait linguistique ne peut dissimuler l’importance que le phénomène fantomatique occupe dans l’histoire et la culture coréennes, très marquées par la tradition chamanique. En effet, ce phénomène est au sein même de la vie et de l’émotion du peuple coréen, même s’il n’était pas relayé à l’époque de Joseon (1392-1910) par le discours officiel des lettrés confucéens qui, à l’instar de Confucius, « respectaient les mânes et les esprits tout en les tenant à distance1 ». Pour ces lettrés, le monde des esprits était inaccessible à notre connaissance, donc à notre raison. Il leur arrivait aussi de considérer le fantôme comme quelque chose de malicieux ou d’étrange. Le fantôme hante en revanche la littérature orale et d’autres récits à caractère religieux. Mais c’est le lettré Kim Si‑seup 金時習 (1435-1493) qui, dans son Geumo sinhwa 金鰲新話 (« Nouveaux Contes du mont de la Tortue d’or »), lui donne toute sa dimension littéraire et philosophique, car tout l’univers de son texte, magnifiquement écrit en langue classique chinoise, est construit dans une ambiance fantastique et onirique traduisant sa conception de la vie et sa vision du monde, dans lesquelles sont mêlées les influences du confucianisme, du bouddhisme et du taoïsme. Qui est cet auteur talentueux de l’époque de Joseon) ? Quelles sont l’importance et la singularité du Geumo sinhwa dans l’histoire de la littérature coréenne ? Quels sont les rapports de cet écrit avec le Jiandeng xinhua 剪燈新話 (« Nouveaux contes en mouchant la chandelle2 ») du lettré chinois Qu You 瞿佑 (1341-1427) ? Cette étude essaie d’apporter quelques réponses, ne fût-ce que partiellement, à ces questions fondamentales pour comprendre l’univers fantasmagorique dans le Geumo sinhwa. Lire la suite sur la plateforme OpenEdition Books – Les Presses de l’Inalco.

Marie Laureillard et Vincent Durand-Dastès (dir.), Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui – Tome 1, https://orcid.org/0000-0002-5660-3105

Academy of Korean studies Inalco Université Paris Diderot-Paris 7 EHESS