LEE Jang Kyu, « L’affaire dite du ‘Coréen de Canton’ (1933-1934) »

LEE Jang Kyu, « L’affaire dite du ‘Coréen de Canton’ (1933-1934) »

Suite au colloque et à l’exposition organisés en avril 2016 sur le mouvement d’indépendance coréen et la France par les professeurs Marie-Orange Rivé-Lasan et Jin-Ok Kim de la section d’études coréennes de l’UFR LCAO de l’université Paris Diderot et suite aux contacts noués à ce moment-là, j’ai décidé de travailler sur les archives du Ministère des Affaires étrangères français qui font état de la présence coréenne sur le sol français et dans les concessions françaises en Chine dans les années 1920-1945.

La bourse de 500 euros accordée par le RESCOR à l’hiver 2016 a été utilisée pour financer des frais liés à mon projet de mémoire de master 2, c’est-à-dire une partie des frais de transport (un billet d’avion pour aller en Corée à l’automne 2016), et des déplacements à Ch’ŏnan au Centre de recherche sur le mouvement d’indépendance coréen (The Institute of Korean Independence Movement studies) du Hall de l’Indépendance (The Independence Hall of Korea) ainsi qu’à l’Université Kookmin de Séoul.  J’y ai rencontré, à plusieurs reprises, le Directeur du Centre de recherche sur le mouvement d’indépendance coréen, Seok-Heung Chang (professeur de Kookmin University) et le chercheur Do Hyung Kim, Directeur d’études dans ce même centre de recherche. Ceux-ci m’ont demandé de faire un inventaire et de traduire en coréen des documents d’archive du Ministère des Affaires étrangères français, dont le dossier de « l’affaire du Coréen de Canton » (227 documents différents : correspondances diplomatiques, articles de journaux, etc., en français, anglais, chinois). C’est à ce moment-là que j’ai décidé de consacrer mon mémoire à cette affaire, dont les faits se déroulent entre 1933 et 1934, et à son protagoniste principal Pak Ŭi-Il (박의일, 朴義一, 1904-1958 ?), dit le « Coréen de Canton » : une personne peu connue des Français de l’époque, peu connue des chercheurs et également inconnue du grand public coréen aujourd’hui.

Illustration 1 : Conflit entre le Japon, la Chine et la France autour d’une demande d’extradition ( 朝鮮人引渡要求로 日中佛三角衝突). La Chine refuse le transfert de Kim Su-San et de Pak Ŭi-Il et  donne un avertissement aux Japonais (金水山 朴義一讓渡 中側拒絶 領事警告). La concession française aussi insiste sur les questions de droit (佛租界도 權利主張). Source : Donga Ilbo (동아일보), 8 novembre 1933, p. 2. (Kuksa p’yŏnch’an wiwonhoe han’guksa database 국사편찬위원회 한국사데이터베이스 consulté le 6 avril 2017).

Pour résumer, « l’Affaire du Coréen de Canton » est, selon les termes employés par les diplomates français dans leurs écrits, une « affaire diplomatique ». Elle réunit différents acteurs : les autorités diplomatiques françaises en Chine et dans la concession française de Shameen à Canton, les autorités chinoises nationalistes de la Chine du Sud-Est et municipales de Canton, ainsi que les agents diplomatiques japonais de Shanghai et de Canton. Cette affaire soulève des questions de droit international, liées à la nationalité, à l’ingérence et à la souveraineté nationale des Etats. Elle concerne un Coréen recherché pour meurtre et arrêté illégalement en territoire chinois, à Canton, par la police japonaise en civil le 12 octobre 1933, puis incarcéré dans la prison française de Shameen à Canton pendant presque cinq mois à la demande des Japonais, avant d’être libéré par les autorités française le 8 mars 1934. Les autorités du Ministère des Affaires étrangères français ont donné des instructions pour que les diplomates français s’en tiennent rigoureusement à une position neutre dans le règlement de l’affaire. Cette fermeté de la France, ajoutée aux négociations diplomatiques menées sur place par le Consul Bonnafous à Canton qui prônait l’expulsion du détenu Pak Ŭi-Il hors de la concession, a rendu possible sa sortie de prison complète, sans remise ni aux Chinois, ni aux Japonais.

Afin de pouvoir écrire une biographie de ce « Coréen de Canton », j’ai du élargir ma recherche aux sources non diplomatiques et aux archives en lignes coréennes, chinoises, russes et japonaises. J’ai trouvé certains écrits de Pak Ŭi-Il ainsi que des témoignages et des articles de presse à son sujet. Mes recherches confirment qu’il s’agissait bien d’un indépendantiste proche du Gouvernement provisoire coréen en exil en Chine, membre de la lutte armée et politiquement de tendance nationalo-socialiste. Son destin est tragique, puisqu’après la Libération et son retour à Séoul, il choisira d’aller au Nord et sera victime des purges de Kim Il-Sung à la fin des années cinquante. La trajectoire du personnage permet, ainsi, de retracer une partie de l’histoire du mouvement d’indépendance coréen en Chine sous la colonisation japonaise, mais aussi celle de la Corée libérée des Japonais mais divisée territorialement et politiquement.

Depuis la soutenance de mon mémoire en septembre 2017, je poursuis mes recherches sur les Coréens indépendantistes et la France dans le cadre de mon doctorat à l’université Paris Diderot. Je souhaiterais publier un article sur le « Coréen de Canton » en coréen pour diffuser les résultats de ma recherche.

Illustration 2 : Dossier de l’affaire du « Coréen de Canton ».  Ministère des affaires étrangères français.

LEE Jang Kyu
Etudiant en Master 2 LLCER à l’UFR LCAO de l’université Paris Diderot (UPD)
Boursier du RESCOR 2016

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Academy of Korean studies Inalco Université Paris Diderot-Paris 7 EHESS