Doctorant à l’UFR LCAO et travaillant sur l’histoire maritime de l’Asie orientale, j’ai récemment bénéficié d’une allocation terrain du RESCOR pour le second semestre de l’année 2016. Cette aide m’a permis de passer douze semaines en Corée du Sud, entre Séoul, Mokp’o, Pusan et Cheju. La mission avait pour but d’effectuer des recherches documentaires et de constituer un réseau professionnel de chercheurs spécialisés dans mon domaine. L’histoire médiévale de l’Asie orientale – en particulier avant le XVIe siècle – est un champ où l’historien peine à trouver de nouvelles sources. Bien souvent, son travail consiste à proposer de nouvelles interprétations des textes déjà connus, ou bien à croiser des sources qui jusqu’alors n’avaient été étudiées que séparément. Pourtant, il existe un champ qui produit de façon quasi continue et depuis des décennies de nouveaux matériaux sur la période médiévale : l’archéologie. Les progrès récents de l’archéologie sous-marine apportent à l’histoire maritime quantité de données locales, éparses et disparates mais néanmoins précieuses sur la culture matérielle des époques passées. Celles-ci permettent de nourrir la réflexion de l’historien et palier l’état lacunaire des sources textuelles. La nécessité de me familiariser avec les données archéologiques a été la motivation première de mon terrain en Corée du Sud.
J’avais originellement prévu de séjourner six semaines à Séoul, puis de m’installer à Mokp’o pour trois semaines, avant de passer une semaine à Cheju. Mais, sur les conseils du professeur Ch’oe Yŏnsik de l’université de Dongguk, rencontré au début de la mission, j’ai finalement décidé de me baser à Séoul et de faire des allers-retours dans différents dites de province. Cette solution souple me permit d’accommoder mon emploi du temps à toute opportunité. J’ai donc passé la majeure partie de mon séjour dans la capitale, où j’ai principalement effectué des recherches documentaires dans les riches fonds de la bibliothèque de l’Université Nationale de Séoul. Elles me permirent d’identifier des documents jusqu’alors absents de l’historiographie relative à mon sujet. L’essentiel de mon travail en bibliothèque consista à collecter des références bibliographiques d’études secondaires en langue coréenne, japonaise et chinoise. Je profitai également de mon séjour séoulite pour rencontrer des historiens sud-coréens, tels Ch’oe Yŏnsik, déjà mentionné, et Yi Young, spécialiste de la piraterie japonaise avec lequel j’entretiens des rapports suivis depuis plusieurs années.

Vue du pont du navire de recherche Nurian à Myŏngnyang. ©D. Peladan
Sur place, un grand nombre de chercheurs m’ont aidé à « naviguer » dans la masse documentaire des travaux archéologiques, et répondu à mes nombreuses interrogations. Hong Sunjae m’a notamment présenté ses recherches sur une épave de Chindo, longtemps considérée comme étant un navire chinois, mais qui s’avère être un navire japonais datant vraisemblablement du XIVe siècle. Hong Kwanghŭi m’a présenté en détail ses recherches sur les ancres de navires anciens. J’ai également visité le Centre de Recherche sur la Culture des Iles (도서문화연구소) à l’université de Mokp’o, et rencontré son directeur, Kang Pongnyong, historien de l’époque ancienne.
Invité au grand colloque international du centre, qui se tenait du 26 au 28 octobre pour commémorer le 40e anniversaire de la découverte de l’épave de Sin’an, événement considéré comme la naissance de l’archéologie sous-marine sud-coréenne, j’ai eu l’occasion d’y rencontrer de nombreux chercheurs sud-coréens et étrangers : Ikeda Yoshifumi, archéologue japonais de l’université des Ryūkyū qui travaille depuis 2011 à la fouille du site de Takashima (où ont été retrouvées des épaves de navires datant des invasions mongoles) ; l’historienne allemande Barbara Seyock, de l’université de Bochum ; et Michel L’Hour, directeur du DRASSM (Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines) basé à Marseille.
Lors d’une troisième visite à Mokp’o au début du mois de décembre, Han Sŏng’uk, archéologue spécialiste de la circulation des céramiques coréennes au Japon à l’époque médiévale et directeur de l’Institut du patrimoine culturel national (민족문화유산연구원, un centre de recherches archéologiques spécialisé dans la fabrication de céramiques), m’a ouvert les réserves du centre et enseigné à différencier les types de céramiques en fonction des époques.
Il m’a également emmené à Kangjin, ville où était produite la majeure partie des céladons de l’époque du Koryŏ, et où se trouve un musée de la céramique que j’ai visité accompagné d’un guide.

Céladons de l’époque Koryŏ remontés à Myŏngnyang en octobre 2016. ©D. Peladan

Céramique Punch’ŏngsagi 15e – 16e siècles. ©D. Peladan
Sur la proposition du professeur Han Sŏng’uk, j’ai assisté au colloque organisé par l’Institut archéologique de Cheju (제주고고학연구소) à l’université de Cheju, les 4 et 5 novembre 2016. Il portait sur les fouilles récentes réalisées sur le site de la forteresse de Hangp’aduri. Le monument, originellement édifié par les sambyŏlch’o, résistants contre les Mongols dans la seconde moitié du XIIIe siècle, avait été récupéré par ces derniers (durant la période d’occupation mongole de Cheju) jusqu’au milieu du siècle suivant. Le colloque m’a permis de faire connaissance avec de nombreux archéologues et historiens de Cheju, dont Kim Iru, spécialiste de Cheju à l’époque du Koryŏ, mais aussi de chercheurs venus de toute la Corée du Sud comme Na Tong-uk, archéologue au Musée National de Pusan et spécialiste des forteresses japonaises construites dans la péninsule durant les invasions de Toyotomi Hideyoshi (fin du XVIe siècle).

Pan de mur de la forteresse de Masan Happ’o, construite fin Koryŏ pour résister aux incursions des pirates japonais. ©D. Peladan
De retour en France, il me reste à tirer parti, pour la thèse, des nombreux documents collectés pendant la mission qui m’a ouvert de nouvelles pistes de réflexion. Je remercie le RESCOR de m’avoir donné les moyens de mener à bien ce projet, étape décisive vers l’achèvement de ma thèse.
Boursier du RESCOR 2016
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