organisé par Anne Castaing (CNRS/CEIAS) et Benjamin Joinau (Hongik University/CRC)
La « communauté imaginée » qu’est la nation mobilise les symboles les plus archétypaux pour se représenter dans les arts et les médias populaires et ces symboles sont le plus souvent genrés – que l’on pense à la Marianne de la jeune République française. En plus d’être l’écho du genre grammatical des valeurs de cette république dont elle est l’allégorie, Marianne est la figure de l’Alma Mater, à la fois nourricière et protectrice, qualités essentielles d’un Etat-nation ou d’un régime politique. Mais comment se pense une nation divisée politiquement par une partition ?
Allemagne, Inde-Pakistan-Bangladesh, Irlande, Corée, Vietnam, Israël-Palestine, Yougoslavie – les cas de figure sont divers, couvrant jusqu’aux décolonisations, mais montrent que la partition renvoie spontanément à des représentations polarisées autour de relations genrées et hiérarchisées. De manière allégorique, celle-ci peut prendre la figure du frère et de la sœur, de la mère et du fils, même si le plus souvent, l’image du couple marié ou amoureux cherchant à se réunir est prédominante. Cependant, le binôme à (ré)apparier n’est pas le seul mode de symbolisation genrée de la division nationale. La partition, en tant que processus même, génère des violences, qui sont fondamentalement structurantes des rapports homme-femme aussi bien au niveau des pratiques que des représentations. En particulier, les femmes, porteuses et garantes de l’identité ethnique, sont couramment l’objet de violences sexuelles. Le viol, l’humiliation, la souffrance, le deuil (mari, enfants) infligés aux femmes et aux hommes en situation de partition en font le symbole non plus seulement d’une partie, mais du tout de la Nation divisée. Les femmes sont ainsi souvent investies d’un enjeu symbolique où se jouent, en plus des identités genrées, les identités collectives et leurs représentations. Ces dernières sont rarement monolithiques et font elles-mêmes l’objet de combinaisons variées et concurrentes, révélant la dynamique qui se joue au niveau de l’imaginaire d’une communauté quand elle est confrontée à une division interne. Plus que des symboles isolés, ce sont des mises en récit complexes que nous devons appréhender dans leur diversité narrative. Pour plus d’informations, voir le site de l’EHESS.